Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 23 du projet de loi pour l'égalité des chances vise à répondre au problème des discriminations dans le secteur audiovisuel.
Cette question est tout à fait primordiale. Elle est au coeur des revendications exprimées, depuis quelques années, par l'association Averroès, pour davantage de diversité à la télévision.
Un seul chiffre : en moyenne, les Français passent trois heures trente par jour devant leur poste de télévision. C'est dire si l'audiovisuel est devenu l'outil privilégié de la transmission d'information et du débat public. Il devrait être, bien entendu, l'outil privilégié de la culture. Or une frange croissante de la population se sent désormais exclue de ce domaine, qui tient une place omniprésente dans notre société.
En effet, le fossé est grand entre la France telle qu'elle est représentée dans les médias et la France telle qu'elle est. Il y a bien peu de chances d'apercevoir un Français dit issu de l'immigration à l'antenne, à part, bien sûr, dans le rôle de l'exclu ou du délinquant, y compris, bien souvent, dans les oeuvres de fiction.
Les réussites, elles, ne sont pas aussi médiatisées, voire pas médiatisées du tout. Nous sommes pourtant bien placés ici pour savoir qu'elles existent, puisque vous n'êtes pas sans savoir que le Sénat coorganise le concours Talents des cités.
Cette vision stigmatisante est un premier facteur de frustration. Ils en ont assez d'être les sujets, ils veulent être les acteurs.
Un deuxième facteur de frustration et d'injustice est la quasi-absence ou, en tout cas, la sous-représentation des minorités dites visibles aux postes de représentation des sociétés audiovisuelles, en particulier aux postes de direction. Il y a ici une double frustration.
Un grand nombre de nos concitoyens se sentent exclus de la participation à un secteur clé de notre société, celui de l'information et de la culture. Il y a une demande de reconnaissance qui ne peut être ignorée : tous les Français, quelle que soit leur origine, ont besoin de savoir que leur participation à la vie du pays est reconnue. Pouvoir être acteur de l'audiovisuel sans distinction d'origine, de race, ou de religion, voilà une revendication partagée et légitime.
La deuxième revendication, c'est celle d'une télévision aux couleurs de la France. Imaginez-vous ce qui peut se passer dans la tête de ces gens qui ont l'impression de ne pas être représentés, d'être volontairement évincés de ce qui est censé être le reflet de la France, du pays qui est le leur ? C'est toute la question de l'identité qui est posée. Trop souvent, les médias présentent une image de la France qui laisse entendre que, pour être Français, il faut être blanc et porter le nom adéquat. J'ajoute que cette absence de visibilité des Français dits issus de l'immigration ne peut que renforcer les préjugés et les stéréotypes racistes.
Un troisième problème est l'absence flagrante de diversité culturelle et sociale, comme l'ont souligné les orateurs précédents, notamment l'absence quasi-totale des cultures d'origine à la télévision.
Ce refus d'expliquer des cultures qui sont pourtant celles de beaucoup de Français ne peut, là encore, que renforcer les incompréhensions et mettre en danger la cohésion sociale par le report, grâce au satellite, sur des chaînes communautaires, même celles qui ne véhiculent pas forcément les valeurs de la démocratie ou d'émancipation des femmes.
Inscrite à l'article 1er de notre Constitution, l'égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion est un fondement de notre pacte républicain. Dans l'audiovisuel, comme dans beaucoup de domaines, hélas, cette égalité n'est pas réalisée en fait. L'article 23 vise à y remédier. Nous y apporterons plusieurs amendements visant à rendre cette lutte contre les discriminations plus efficace et sans concession, à faire en sorte que nos « écrans pâles », participant au changement des représentations, se mettent enfin aux couleurs de la France.