« C'est d'abord et avant tout à l'école que les vrais problèmes existent », comme le rappelait Luc Ferry à Nicolas Sarkozy en 2004, lorsque ce dernier proposait d'installer des « correspondants absentéisme » dans les collèges des quartiers difficiles ou de faire entrer les policiers en civil dans certains établissements.
Deux ans après, la vision répressive de l'école reste d'actualité et, plus globalement, des réponses sécuritaires sont apportées par ce gouvernement à des questions relevant surtout de l'urgence sociale.
Remarquons tout de même que cette question de la responsabilité parentale a refait surface au lendemain des graves événements de novembre dernier, et qu'elle est traitée dans ce texte sur l'égalité des chances prioritairement sous l'angle de la sanction, de la culpabilisation des familles et non dans le sens de leur responsabilisation ni du respect de la diversité propre à chacune d'elles.
Concernant les manquements à l'obligation scolaire, nous ne partons pas de rien : des textes existent et permettent une gradation dans l'accompagnement, l'obligation et la sanction des parents en difficulté.
En 2003, un groupe de travail placé auprès du délégué interministériel à la famille conclut que le défaut d'assiduité n'est jamais anodin, qu'il révèle, certes, une souffrance familiale, mais aussi l'ennui à l'école, la non-acceptation d'une orientation subie.
Les enseignants évoquent aussi des adolescents de plus en plus nombreux à travailler le soir et qui renoncent peu à peu à se lever le matin pour aller en cours. Autant de causes que votre gouvernement ignore, monsieur le ministre délégué, voire que vous aggravez en préconisant notamment l'orientation précoce vers l'apprentissage sans revaloriser cette filière.
Ce même rapport constatait que le traitement des absences par le biais de la suppression des allocations familiales était très inégalitaire selon les départements.
Considérant qu'effectivement cette sanction financière des familles était injuste et inefficace, les rédacteurs de la loi relative à l'accueil et à la protection de l'enfance de janvier 2004 ont entériné l'abrogation de l'article L.552-3 du code de la sécurité sociale prévoyant la suspension, voire la suppression, des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire. En revanche, une lourde sanction pénale a été ajoutée.
Parallèlement, ont été mis en place à tous les niveaux - établissement scolaire, inspection d'académie - des mécanismes privilégiant le dialogue entre l'institution scolaire et la famille avant l'ultime saisine du procureur de la République et l'éventualité d'une sanction.
Afin d'épauler les parents, en plus de la gamme des moyens dont disposent les Caisses d'allocations familiales, les CAF, et les services sociaux des départements, des modules de soutien à la responsabilité parentale ont été mis en place, l'installation de commissions départementales de suivi de l'assiduité scolaire a été prévue.
Sans bilan préalable des dispositifs de soutien à la parentalité existants, ni information sur l'application du dispositif actuel de lutte contre l'absentéisme scolaire, le Gouvernement propose d'ajouter le contrat de responsabilité parentale et de rétablir la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale.
Je doute que nos discussions permettent d'éclairer les critères caractérisant la carence de l'autorité parentale, ou ceux conduisant les services sociaux du département à proposer le contrat de responsabilité parentale plutôt qu'une autre mesure d'accompagnement, et cela ne fera que confirmer le caractère dangereusement imprécis du dispositif.
Au-delà des questions que soulèvera le dispositif lors de sa mise en oeuvre, nous rejetons dans son principe même le contrat de responsabilité parentale et le renforcement des pouvoirs de sanction des présidents de conseils généraux.
Comme l'a déploré le président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, ce projet « contient en germe un dévoiement des allocations familiales qui sont destinées à couvrir les charges que représente un enfant, et non à décerner un brevet de bonne conduite. »
La contractualisation suppose que deux parties s'engagent en toute liberté et qu'il en résulte des droits et devoirs pour chacune.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales, un peu gêné tout de même de devoir argumenter en faveur du retour d'une sanction financière dont il rappelle le caractère inefficace et inéquitable, tente de nous convaincre « que contrairement au dispositif supprimé en 2004, la suspension des allocations familiales ne vient pas sanctionner une simple impuissance des familles mais leur absence d'engagement dans un processus de rétablissement de l'autorité parentale pourtant négocié avec elles. »
Arrêtons de jouer sur les mots : le contrat sera bel et bien imposé aux familles. L'objet du contrat de responsabilité parentale, c'est justement d'offrir une voie nouvelle, en marge des dispositifs fondés sur la démarche volontaire des parents. On peut le comparer à l'injonction thérapeutique, puisqu'il s'agit ici de contraindre les parents à suivre la bonne voie concernant l'éducation de leurs enfants.
La rédaction même de l'article, très précise s'agissant de développer le régime des sanctions applicables lorsque les obligations fixées au contrat n'ont pas été respectées, est plus ramassée lorsqu'il s'agit de détailler les mesures d'aide et d'accompagnement social dont pourront bénéficier les parents. L'essentiel, le contenu du contrat, est renvoyé à un décret en Conseil d'État !
Vous vous abritez derrière des dispositions visant la protection de l'enfance pour mieux vous défendre de vouloir mettre en place un mécanisme automatique de sanction. Mais, dans sa logique, l'article 24, comme d'ailleurs l'article 25, pose la sanction des parents via la suspension des allocations comme étant la règle et non l'exception.
Enfin, comment ne pas s'inquiéter du large pouvoir d'appréciation laissé au président du conseil général, autorité administrative et non judiciaire, pour décider d'une sanction, la suspension de prestations familiales, alors qu'il n'a aucune compétence pour attribuer ces dernières et qu'il n'existe aucune voie de recours permettant de contester des décisions faisant grief aux familles ?
Vous l'aurez compris, nous rejetons avec force le contrat de responsabilité parental qui, loin de responsabiliser les familles en cherchant à les ramener vers l'école, dans le vivre ensemble, contribuera en déséquilibrant leur budget à aggraver les causes de leurs difficultés financières, sociales et familiales.