Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 4 mars 2006 à 21h00
Égalité des chances — Article 24

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le contrat de responsabilité parentale, prévu à l'article 24 du projet de loi qui fait aujourd'hui l'objet de nos travaux, prétend trouver des solutions à des situations particulièrement douloureuses concernant la carence éducative de parents, trop souvent, il faut bien le dire, issus des milieux défavorisés.

Rappelons certaines données. On dénombre dans notre pays un ménage sur dix en difficulté ; 114 200 mineurs en danger font l'objet de signalements judiciaires et 235 000 mineurs sont pris en charge au titre au moins d'une mesure de protection de l'enfance.

On remarquera, par ailleurs, que, en ce qui concerne la protection de l'enfance, la prise en charge financière des départements en ce domaine est passée en vingt ans de 2, 3 milliards d'euros à 5, 1 milliards d'euros.

Nous souscrivons, bien sûr, à une démarche de responsabilisation des parents ; toutefois, nous ne pouvons pas accepter le dispositif que vous entendez mettre en place. Pourquoi ?

Il s'agit, tout d'abord, d'un dispositif fonctionnant à deux vitesses, l'encadrement des familles débouchant inévitablement, en cas d'échec, sur la punition. Il s'agit donc d'une logique rigide où le terme de responsabilité masque mal la finalité du dispositif qu'est la sanction financière. Cela ne nous paraît pas compatible avec les objectifs d'éducation et de protection de l'enfance tels que nous les concevons.

Ainsi, dans le premier volet du dispositif, on nous propose d'encadrer les familles en situation de carence éducative en demandant au président du conseil général la prise en charge, pour une durée déterminée.

Tout à l'heure, ma collègue a fait référence au collectif national unitaire. Vous avez lu le document qu'il vient de publier. Je le résume en quelques mots, car le document est long.

Selon les termes du collectif, ce contrat place les professionnels des services éducatifs et sociaux des départements dans une position qui change jusqu'à la nature de leur intervention.

Ces professionnels poursuivent en disant qu'ils inviteront les présidents de conseil généraux - que ceux qui sont ici présents m'écoutent avec attention -, à refuser d'appliquer ces dispositions, car il ne faudra pas compter sur leur concours, du fait de leur éthique, pour mettre en oeuvre ce contrat.

Comment ces mêmes présidents feront-ils sans le « bras armé » que constituent les travailleurs sociaux ? Il en va de même des réactions des enseignants, des associations de parents d'élèves et de l'Union nationale des associations familiales, qui témoignent d'un désaccord majeur sur le fond.

Avec ce projet, on malmène le rôle même de l'école, dont l'une des caractéristiques est, après la famille, d'être un lieu de prise en charge des difficultés des élèves.

Par ailleurs, non seulement vous souhaitez faire des présidents de conseils généraux des auxiliaires de justice, mais encore vous voulez mettre dans une position inconfortable de juge les chefs d'établissements, qui devront décider, à partir du comportement de l'enfant - selon des critères que nous ignorons et qui restent certainement à déterminer -, si une famille a besoin d'un encadrement éducatif. Vous voyez jusqu'où cela nous mène !

Le deuxième volet de votre dispositif a trait à la sanction en cas d'échec, c'est-à-dire à la suspension totale ou partielle des allocations familiales. En un mot, vous considérez que la dissuasion par le porte-monnaie est le meilleur moyen de responsabiliser des parents qui auraient démissionné en matière d'éducation de leurs enfants.

À ce sujet, monsieur le ministre, êtes-vous sûr de la démission de la plupart de ces parents ?

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