Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 4 mars 2006 à 21h00
Égalité des chances — Article 24

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de ce débat, nous avons été amenés à donner notre sentiment sur l'équilibre général du projet de loi. Certaines de ses dispositions traduisent votre obsession des enfants en difficulté, notamment votre proposition d'une éviction précoce via l'apprentissage à quatorze ans de ceux d'entre eux qui sont en échec scolaire, qui perturbent la classe, qui sont moins concentrés, plus renfermés, plus agressifs. D'une façon plus générale, vous prévoyez, sans nuance, un ciblage sur la famille, responsable selon vous des difficultés des enfants.

Des parents irresponsables, il y en a sans doute, et ce dans tous les milieux sociaux. Cependant, nous le savons, dans l'écrasante majorité des cas, si les parents donnent le sentiment de ne pas assumer totalement leurs responsabilités, ils ont pourtant envie de bien faire, mais ils sont submergés par les difficultés quotidiennes, englués dans la survie. Ils élèvent, souvent seuls, deux, trois ou quatre enfants dans des deux pièces ou dans des taudis, dans des hôtels où il est interdit de cuisiner, dans des appartements où les enfants sont exposés au saturnisme.

À plusieurs reprises, certains à droite ont évoqué Cosette et Les Misérables. Je ne suis pas en train de faire du misérabilisme : les chiffres sont assez cruels, puisque 40 000 enfants sont aujourd'hui encore concernés par le saturnisme, avec tout ce que cela implique en termes de troubles neurologiques, par exemple.

Dans ces familles, loin de la caricature que vous en faites de gens qui ne se lèvent plus pour aller travailler ou pour accompagner leurs enfants à l'école, les parents quittent la maison tôt le matin et rentrent tard le soir, laissant l'enfant à la garde d'une soeur ou d'un frère plus âgé, voire de la télévision. Ces gens n'ont pas recours aux services payants d'aide aux devoirs, ils n'embauchent pas des employés à domicile.

Alors, oui, il faut faire quelque chose : il faut travailler sur les modes de garde et sur l'accompagnement des familles, comme le proposent ATD Quart Monde et Emmaüs. Ces organisations font de l'accompagnement individualisé avec patience et respect ; elles font du « sur mesure » et essaient de donner un sens collectif aux innovations individuelles.

Les moyens attribués aux services mobilisés dans les départements, qu'il s'agisse de l'aide sociale à l'enfance ou de l'action éducative en milieu ouvert, sont notoirement insuffisants. Certes, c'est au département de faire quelque chose, mais les transferts de charges n'ont pas été accompagnés des moyens suffisants. Aussi, nous proposons plutôt de réexaminer l'ensemble des politiques destinées à l'enfance et à l'adolescence avec les départements, en étudiant sans oeillères les propositions du monde associatif et des travailleurs sociaux, qui aiment leur métier, mais pas le rôle que vous entendez leur faire jouer !

Je voudrais dire aussi que nous sommes submergés, au Sénat, de rapports intelligents, généreux, innovants, souvent commandés par des ministres ou par des services de l'État, et je me désole qu'une fois arrivés sur nos bureaux ils soient voués à être rangés dans des tiroirs avant de partir à la benne ! La commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch d'Emmaüs, a remis au ministre de la santé et des solidarités, le 21 avril 2005, quinze résolutions pour combattre la pauvreté des enfants.

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