Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 9 février 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Article 28

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Cet article a trait aux conditions de l’exécution d’office de l’obligation de quitter le territoire français et des interdictions de retour.

L’article L. 513-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, visé par l’article 28 du projet de loi, concerne dans sa rédaction actuelle l’exécution d’office des « arrêtés de reconduite à la frontière », formulation supprimée par le présent texte et remplacée, comme on le sait, par une autre.

L’article 28 réécrit donc cet article L. 513-1 afin de tenir compte de l’unification de la procédure d’obligation de quitter le territoire prévue par l’article 23, article contre lequel la gauche s’est prononcée.

Nous l’avons vu, l’obligation de quitter le territoire français devient l’instrument principal de l’éloignement – certains ne souhaitent pas que l’on emploie le terme de « bannissement » – et peut s’accompagner de plusieurs mesures connexes, avec ou sans délai de départ volontaire, avec ou sans placement en rétention, avec ou sans interdiction de retour. Ces mesures viennent compliquer, une fois de plus, le contentieux de l’éloignement et l’exercice de leurs droits par les étrangers. Nous sommes ainsi aujourd’hui face à une extraordinaire usine à gaz !

Le I du nouvel article L. 513-1 du CESEDA concerne les obligations de quitter le territoire, qu’elles soient ou non assorties d’un délai de départ volontaire. Dans l’un et l’autre cas, des recours existent, bien entendu ; mais, après examen, peut-on encore parler véritablement de recours en ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français sans délai, disposition dont nous demandons la suppression ?

En effet, l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire est immédiatement exécutoire si elle n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un recours devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures – délai difficile à tenir pour un primo-arrivant, c’est-à-dire pour une personne ne connaissant pas bien la législation en vigueur – au lieu de trente jours – délai préférable – dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire. Or, dans un laps de temps aussi court, l’étranger pourra être amené à contester pas moins de six décisions administratives, en plus de la contestation de l’obligation de quitter le territoire français elle-même : la décision relative au séjour, le refus du délai de départ volontaire, l’interdiction de retour sur le territoire français, le placement en rétention, le choix du pays de destination.

Dans ces conditions, je le répète, peut-on parler de recours effectif ? L’étranger concerné devra-t-il être au moins agrégé de droit ?

Non seulement cette disposition concernera beaucoup d’étrangers, puisque le nombre de cas où l’administration aura la possibilité de prononcer un refus de délai de départ a été augmenté, mais elle laissera, dans certaines situations, un large pouvoir discrétionnaire d’appréciation à l’administration. Je pense au risque de fuite, qui sera présumé tout simplement si l’étranger ne dispose pas de documents de voyage ou d’une pièce d’identité en cours de validité.

Pour mon groupe, au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Convention de Genève de 1951 sur le droit d’asile, le délai consenti par l’article 28 pour l’examen de la situation personnelle d’un étranger, qui risque, aux termes de dispositions qu’au demeurant nous désapprouvons expressément, un éloignement, un élargissement, un bannissement de l’Europe pendant deux à cinq ans, ne peut pas être aussi court.

Il serait temps, mes chers collègues, de réapprendre à ouvrir les portes et les fenêtres de la maison France au lieu de les fermer. Il serait temps de cesser de nous replier sur nous-mêmes avec, pour seul mot d’ordre, la France aux Français et les Français avec les Français !

Au moment où beaucoup d’étrangers vont être soumis à des obligations de quitter le territoire français sans espoir de retour avant longtemps, les membres du Gouvernement, depuis ce matin, encourent une interdiction de quitter le pays sans autorisation préalable ! Bonaparte, dont vous vous inspirez parfois mais en faisant preuve de moins de panache, n’a-t-il pas un jour déclaré de manière singulièrement prémonitoire : « mon gouvernement n’est pas une plaisanterie » ?

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