L’article 30 concerne le placement en rétention de l’étranger sur décision de l’autorité administrative, pour une durée de cinq jours. Cet article est censé transposer le dispositif qu’organise en la matière la directive Retour ; malheureusement, il ne respecte pas les dispositions de cette directive inspirées par un esprit plus humaniste que celui qui anime les auteurs de ce projet de loi, comme nous l’avons déjà rappelé à de nombreuses reprises. Les dispositions susceptibles d’offrir une meilleure garantie aux étrangers sont gommées par l’adaptation au droit français de la directive Retour.
Il est d’abord précisé que l’étranger est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence », mais les motifs de placement en rétention sont les mêmes que précédemment – absence de papiers, etc. –, à ceci près que l’interdiction de retour prononcée par le préfet constitue un motif nouveau de placement en rétention.
La directive Retour prévoyait une panoplie de mesures moins coercitives que l’assignation à résidence, telles que la remise du passeport aux autorités administratives, la simple obligation de pointage au commissariat sans obligation de garder le domicile, ou encore l’indication des démarches effectuées en vue du départ. La transposition est incomplète puisque, en n’envisageant que l’assignation à résidence comme seule mesure de substitution à la rétention, l’article 30 introduit une nouvelle restriction au droit des étrangers.
La directive prévoit également que, s’il n’existe plus de risque de fuite, ou si l’étranger « coopère » pleinement avec les autorités, la personne doit être remise en liberté. Mieux : même si un risque de fuite existe – qui sondera les cœurs ? – et que la rétention est la seule option pour garantir un éloignement, la personne doit être remise en liberté si cet éloignement n’est pas raisonnablement possible, pour des motifs juridiques – risques de « traitements inhumains ou dégradants », au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – ou autres, tels que l’absence de coopération des autorités consulaires, l’absence de représentation consulaire, comme dans le cas de la Somalie. Autrement, la rétention deviendrait un emprisonnement et revêtirait un caractère pénal.
La durée de la rétention initiale, pendant laquelle l’administration peut maintenir l’étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire, passe de quarante-huit heures à cinq jours ; vous ne me direz pas qu’il n’y a aucun changement ! Ce délai devrait être replacé, nous dit-on, dans le contexte d’une réforme d’ensemble des procédures juridictionnelles d’éloignement. L’article 41, on le verra, porte, quant à lui, à quarante-cinq jours, contre trente-deux aujourd’hui, la durée maximale pendant laquelle un étranger peut être maintenu en rétention.
Cinq jours, quarante-cinq jours, ces durées peuvent sembler abstraites. Il faut rappeler ce qu’est concrètement cette rétention qui affecte la liberté d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul tort est d’être des étrangers. Elle les conduit parfois à s’automutiler, voire à commettre une tentative de suicide. Sur le site de la CIMADE – dont vous nous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre, en oubliant de préciser que vous avez restreint son champ d’intervention –, on peut lire, en date du 4 février 2011, sous le titre « Une semaine presque ordinaire au centre de rétention du Mesnil-Amelot » – centre que j’ai eu l’occasion de visiter jadis en compagnie de Jean-Pierre Sueur –, un condensé des conséquences humaines dramatiques auxquelles peuvent conduire l’enfermement à tout prix et les dérives de la politique du chiffre. Cette dernière, d’ailleurs, ne règle rien, puisque les immigrés arrivent toujours, comme vous le savez !
En voici un exemple : « Lundi : après avoir subi deux tentatives d’embarquement, un monsieur de nationalité algérienne, maintenu en rétention par la préfecture du Val-de-Marne depuis le 13 janvier se taillade avec des lames de rasoir. La veille, il avait déjà avalé du savon. Suite à ces tentatives d’embarquement forcé, les autres personnes retenues se sont particulièrement émues de sa situation. Ce monsieur sera malgré ses blessures embarqué vers l’Algérie le jour-même. »