Intervention de Roland Courteau

Réunion du 9 février 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Article 34

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

L’article 34 prévoit une refonte totale du contentieux administratif de l’éloignement.

Le nouveau dispositif a d’ores et déjà réuni contre lui le monde associatif qui défend les droits des étrangers et les professionnels concernés, c’est-à-dire les juges administratifs, qui sont vent debout contre cette colossale charge de travail supplémentaire.

Une telle opposition ne peut être que comprise, partagée et soutenue tant les propositions du Gouvernement sont attentatoires aux droits des étrangers et, en premier lieu, au droit au recours effectif.

En effet, les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, sans délai de départ volontaire, n’auront que quarante-huit heures pour introduire un recours contre ces décisions.

De plus, nous dénonçons le fait que les étrangers sont victimes d’une véritable « double peine administrative ». En effet, la rétention administrative ou l’assignation à résidence entraînent l’examen de la requête contre l’OQTF, le refus de délai de départ et d’interdiction du territoire par un juge unique, sans l’intervention du rapporteur public, qui aura un délai de soixante-douze heures pour statuer.

L’examen par un juge unique nous semble une entorse inacceptable au principe de la collégialité, garantie fondamentale contre l’arbitraire. Aucune situation d’urgence ne justifie une telle dérogation, d’autant moins que les décisions en question, comme l’interdiction de retour sur le territoire français, sont lourdes de conséquences pour l’étranger. L’examen de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF, devrait donc naturellement être effectué selon la procédure normale, c’est-à-dire par une formation collégiale de trois juges, après conclusions du rapporteur public.

Bien d’autres points de cette refonte du contentieux administratif de l’éloignement sont intolérables et doivent être combattus. À défaut de pouvoir tous les citer, je vais en mentionner quelques-uns.

Par exemple, nous refusons la restriction de l’accès à l’aide juridictionnelle. La possibilité d’avoir recours à cette aide n’est prévue que pour les étrangers qui demandent l’annulation de la décision d’OQTF à laquelle ils sont soumis, si celle-ci s’accompagne des trente jours de délai de départ volontaire. Quid des autres, ceux qui sont soumis à une OQTF sans délai de départ volontaire ?

En outre, l’article 34 permet la délocalisation des audiences du tribunal administratif. Ainsi, des audiences pourront avoir lieu dans des salles spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention, voire au sein des centres de rétention ! Ce n’est pas sans poser problème…

Ainsi, le principe de la publicité des débats n’est pas garanti, car les zones où se situent les centres de rétention sont très mal desservies par les transports en commun et d’accès très difficile. Cet obstacle sera également rencontré tant par l’avocat et l’interprète de l’étranger que par le juge administratif lui-même. Le magistrat devra faire des heures de route afin d’aller rendre la justice dans un préfabriqué, au plus grand mépris du caractère solennel et symbolique des lieux de justice.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur trois arrêts rendus le 16 avril 2008 par la Cour de cassation, qui a déclaré illégale la tenue d’audiences délocalisées dans l’enceinte d’un centre de rétention.

L’article 34, qui instaure une justice d’exception pour l’étranger privé de liberté, qui fait fi des garanties procédurales - aide juridictionnelle, procès équitable, recours effectif -, au point de proposer que les audiences aient lieu dans des cabanes préfabriquées au fin fond des zones aéroportuaires, doit être supprimé !

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