Les dispositions dont nous demandons la suppression prévoient que les audiences tenues par le juge administratif dans le cadre des procédures concernant les étrangers en rétention pourront se tenir dans les salles d’audience déconcentrées installées au sein ou à proximité immédiate des centres de rétention administrative.
Outre qu’elle porte atteinte à l’indépendance des magistrats administratifs, cette mesure est injustifiable sur le plan des principes, notamment au regard de la solennité de la justice et de sa nécessaire indépendance vis-à-vis de « l’administration d’accueil ». Elle est également intenable en pratique, compte tenu des temps de déplacement et des délais très contraignants dans lesquels il faudra les effectuer. Elle est enfin dommageable sur le plan de la réflexion du juge, qui se trouvera isolé et dont l’accès à ses outils de travail restera plus qu’aléatoire.
La justice étant rendue par des magistrats au nom du peuple français, les audiences doivent se tenir dans une juridiction, dans un lieu dédié et solennel, seul à même d’assurer la sérénité des débats et l’autorité de la justice administrative.
De plus, la qualité de la justice rendue par un magistrat isolé dans un centre de rétention sera nécessairement mise à mal. Celui-ci ne disposera en effet ni de l’ensemble de ses outils de travail et de réflexion ni de la présence de ses collègues magistrats avec lesquels des conversations informelles peuvent être engagées en cas de doute sur une solution ou un raisonnement juridique.
Une telle mesure exposera aussi le juge administratif aux pressions administratives et portera atteinte tant à son indépendance vis-à-vis de l’administration d’accueil qu’au principe fondamental de publicité des audiences.
Enfin, en pratique, tenir des audiences dans des centres de rétention impliquera, pour le juge administratif, des temps de déplacement et des délais très contraignants, mais aucune mesure de compensation n’a été prévue. Grâce à votre réforme de la carte judiciaire du 1er janvier 2010, 178 tribunaux d’instance et juridictions de proximité ont été supprimés, ce qui éloigne d’autant les magistrats des centres de rétention.
Pour ne prendre qu’un exemple, le tribunal administratif de Montpellier est compétent pour les centres de rétention de Sète et de Perpignan, éloignés respectivement de trente-deux kilomètres et de cent soixante-cinq kilomètres. Rien que cela !
Si l’on considère que les magistrats traitent deux cent quatre-vingts dossiers par an, cette mesure risque d’aboutir à une désorganisation des juridictions au détriment des justiciables, qui, bien que vous ne cessiez de le nier, ont le droit d’être jugés équitablement.
C’est la raison pour laquelle nous vous demandons la suppression de ces dispositions.