En proposant, par cet amendement, la suppression de l’alinéa 4 de l’article 25 octies, nous souhaitons dénoncer la non-prise en compte des salariés précaires, intérimaires, saisonniers, salariés des TPE, mais également une définition beaucoup trop vague de l’ « inaptitude » et l’espacement de la visite médicale obligatoire à trois ans.
De l’avis des partenaires sociaux, vous le savez bien, il est impossible de détecter les risques émergents le plus en amont possible s’il n’y a plus de visite médicale régulière et rapprochée. Or cet article prévoit de déroger aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail, déjà réduit à une peau de chagrin pour les salariés ayant un emploi dit « normal », ce qui a pour effet de réduire encore les droits des salariés les plus précaires, souvent les plus exposés car exerçant des métiers atypiques.
Il en est ainsi, précisément, des artistes et techniciens intermittents du spectacle, mais nous pourrions parler également des mannequins, des salariés des particuliers employeurs, des voyageurs, représentants et placiers, etc.
Si vous me permettez de faire une parenthèse, mes chers collègues, nos propres assistants parlementaires, qui ont eux aussi un statut précaire, ne bénéficient plus, depuis des années, des visites médicales du travail annuelles auprès de la Mutualité sociale agricole, tradition très ancienne de notre assemblée. Ils sont à présent convoqués tous les deux ou trois ans, et il conviendrait sans doute de prévoir des améliorations sur ce point.
Pour en revenir aux salariés les plus précaires, je voudrais vous dire mon désaccord avec votre projet de leur consentir une médecine du travail a minima. Au nom de quoi seraient-ils vus par des médecins non spécialisés en médecine du travail, sauf à avouer que vous avez vous-même organisé la pénurie de ces spécialistes ? Car ce n’est pas mépriser les médecins généralistes que de dire que la spécialité en médecine du travail peut seule garantir aux salariés une réelle prise en compte des éventuelles difficultés liées à leur poste de travail.
Certes, ces salariés pourraient, « en cas de difficulté ou de désaccord », solliciter un examen médical auprès d’un médecin appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé la convention. Mais quel mépris pour tous les métiers aussi atypiques que magnifiques, pour les « petits boulots » aussi qui deviennent légion dans la société que vous organisez, dans les rangs desquels figurent justement des personnes à faibles revenus, soumises à des aléas de l’existence pouvant avoir des conséquences dramatiques sur leur santé tant physique que psychique !
Encore une fois, c’est l’abaissement de la qualité du suivi de ces salariés que vous organisez.
Avez-vous lu, mes chers collègues, le magnifique roman de Claudie Gallay, sans doute l’un des plus marquants de la rentrée littéraire, intitulé L’Amour est une île ?