L’article 25 nonies serait de portée juridique courante et habituelle en matière commerciale. Il aurait donc tout à fait sa place dans un texte relatif aux relations commerciales. Mais nous sommes ici dans la gestion des services de santé au travail.
On aurait pu supposer que des services de santé n’avaient pas besoin de faire l’objet de telles précisions, normalement réservées aux relations entre des entreprises échangeant des prestations de services.
Cet article est, me semble-t-il, la conséquence logique et indispensable de votre conception de ce que doit être désormais la médecine du travail : un service d’aide aux employeurs pour mettre en place des dispositifs de prévention et de protection, dans le cadre de conventions de type commercial. Le tout sera réalisé en fonction de contrats d’objectifs et de moyens, sans oublier les réalités locales.
Cet article met en place le cadre juridique nécessaire pour que les services de santé fonctionnent de manière habituelle avec des entreprises auxquelles sont sous-traitées des prestations de prévention et de protection.
Ce n’est pas être médisant que de constater à quel point les ambitions des rédacteurs de ce texte, et du gouvernement qui les porte, sont réduites.
Avec cet article de droit commercial, nous entrons de la manière la plus explicite dans un système totalement différent de ce qui existait jusqu’à présent. Ce n’est plus la médecine du travail ; c’est le marché de la protection et de la prévention qui est ainsi organisé.
Ce texte sert, en réalité, à déterminer la place des services de santé dans ce marché.
Les services de santé au travail ne seront plus structurés autour du médecin du travail. La pluridisciplinarité, qui aurait pu être une avancée, servira à noyer, littéralement, le médecin au milieu d’une équipe elle-même soumise à des impératifs de gestion fort éloignés de la santé des travailleurs.
L’alinéa 4 de cet article, qui prévoit l’autorisation préalable du conseil d’administration – c’est bien le moins que l’on puisse demander – pour les conventions entre le service de santé au travail et une entreprise dont l’un des administrateurs est propriétaire, est d’ailleurs révélateur de cette nouvelle perspective.
Encore que cette autorisation ne sera pas exigée pour des opérations courantes ou – c’est une autre notion – « conclues à des conditions usuelles ».
Nous sommes ouvertement dans l’ère de la marchandisation de la santé, comme nous avons d’ailleurs déjà pu le constater dans cet hémicycle à propos d’un certain nombre d’aspects de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, notamment s’agissant de la mission de service public. Mais je ne m’attarde pas sur ce point, car j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir par ailleurs.
Il est simplement effrayant de voir l’idéologie ultralibérale s’emparer ainsi de la prévention et de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce chemin, monsieur le secrétaire d’État.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, et nous voterons contre si nos amendements de suppression ne sont pas adoptés.