Cet article 25 decies prévoit que les services de santé au travail pourront recruter à titre temporaire un interne de la spécialité pour remplacer des médecins du travail en exercice.
Cet article valide une dérogation, puisque l’article L. 4623-1 du code du travail impose un diplôme spécial pour exercer les fonctions de médecin du travail.
A priori, nous sommes devant une situation analogue à celle qui prévaut en cas de remplacements effectués par les internes dans d’autres spécialités, dont la médecine générale.
En fait, c’est une nouvelle fois le mode de gestion de la pénurie qui est appliqué ici.
La France ne compte que 6 915 médecins du travail représentant 5 772 équivalents temps plein, dont les trois quarts ont plus de 50 ans, pour suivre la santé de près de 16 millions de salariés du privé…
Aujourd’hui, un médecin en équivalent temps plein dans un service interentreprises suit en moyenne 3 050 salariés, et ce chiffre est en augmentation constante.
Si l’on s’en tient à l’âge légal de la retraite à 60 ans, 4 000 médecins auront atteint ou dépassé cet âge d’ici à cinq ans. Bien entendu, le chiffre serait moindre si l’âge légal devait passer à 62 ans, mais cela ne résoudra pas le problème pour autant.
Des mesures de régulation ont été prises, mais elles n’ont fait que stabiliser temporairement les choses.
Plusieurs problèmes se posent, et votre texte n’y apporte aucun embryon de solution.
Ainsi, en matière de formation, plusieurs chaires de spécialité en faculté ne sont pas pourvues et les enseignements sont parfois assurés – quand ils le sont ! – par des professeurs qui ne sont pas eux-mêmes médecins du travail. Aujourd’hui, c’est le cas de 55 des 70 professeurs de médecine du travail.
Le cursus de formation n’est pas non plus des plus attractifs.
À cet égard, le remplacement dans le cadre de l’internat est une solution intéressante, mais les conditions dans lesquelles il se déroulera ne sont pas satisfaisantes. En effet, en raison de la pénurie organisée, l’interne se trouvera isolé dans son service sans bénéficier de l’expérience d’un médecin expérimenté qui assurerait une fonction de tutorat.
Nonobstant l’intérêt pour l’interne d’une telle expérience in situ, cette situation n’est pas responsable. C’est pourquoi nous proposons que le recrutement d’internes dans les services de santé au travail soit non pas un simple remplacement, mais une étape de la formation bénéficiant d’un encadrement par un médecin expérimenté.