En principe, les médecins du travail sont chargés de prévenir les risques liés aux conditions de travail et à l’emploi occupé afin d’éviter, je vous le rappelle, l’altération de la santé physique et mentale du salarié.
Pour près de 15 millions de salariés du secteur privé, il y a, en France, 6 00 médecins du travail, soit un médecin pour 2 300 salariés. Leur nombre est donc très largement insuffisant. À cela il faut ajouter que 75 % d’entre eux ont plus de 50 ans. Leur remplacement ne sera plus assuré dans quelques années.
Pour pallier ce manque, l’un des amendements déposés à l’Assemblée nationale et intégrés dans ce texte préconise le recours aux médecins de ville pour certaines professions comme les salariés à domicile, les artistes intermittents du spectacle, les VRP ou encore les mannequins. Rien que cela ! C’était l’objet de l’article 25 octies.
Guy Fischer vous a rappelé les catégories de salariés ici concernés : les salariés intérimaires, les stagiaires de la formation professionnelle, les saisonniers, les salariés détachés à l’étranger ou dans d’autres départements.
Une telle proposition pourrait - à l’extrême rigueur - avoir un sens si elle était temporaire, le temps de pallier la pénurie et de mettre en place un système de promotion des carrières de médecin du travail afin de permettre au contingent actuel de grossir et de retrouver une taille qui conduirait à un ratio médecin du travail-salarié plus élevé qu’aujourd’hui.
En inscrivant dans la loi de façon définitive cette dérogation, le Gouvernement ne fait qu’entériner cette pénurie en lui donnant une valeur normative.
On imagine assez facilement ce qui anime la majorité dans cette politique insensée : ne surtout pas générer de dépenses publiques supplémentaires en augmentant le contingent de médecins du travail. Nul besoin d’être particulièrement fin analyste pour le comprendre, puisque c’est le mot d’ordre du Gouvernement depuis deux ans.
Force est de constater que cette volonté de résorber les dépenses publiques frise la névrose obsessionnelle et, comme toute pathologie mentale, elle pousse le malade à commettre des actes incohérents et irrationnels.
Vous êtes-vous demandé combien coûtera à l’État le recours à des médecins de ville pour assurer ces missions en lieu et place des médecins du travail ? Nul ne le sait, puisque le Gouvernement ne voit que les postes qu’il ne crée pas.
En revanche, le Gouvernement semble ignorer les transferts de charge vers la médecine de ville, les effets différés d’un mauvais suivi médical sur les salariés et ses conséquences sur leur santé, et donc sur l’assurance maladie. Je regrette d’ailleurs que notre collègue Alain Vasselle n’ait pas plus posé de questions sur ce sujet à M. le ministre.
Nous nous opposons donc à cette politique incohérente, car nous jugeons que le seul moyen de garantir la santé des travailleurs, c’est d’augmenter le contingent et les moyens de la médecine du travail.