Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 27 ter AC

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

… mais je n’entrerai pas dans ses propres contradictions !

Il affirmait en outre qu’on ne peut pas évaluer la pénibilité pour chaque salarié. Justement ! On peut l’évaluer collectivement. Pourquoi ? D’abord parce que, comme chacun sait, il se trouve qu’il y a une certaine corrélation entre l’exercice d’un métier collectivement pénible et l’amoindrissement de l’espérance de vie.

Ensuite, parce que, comme vous en conviendrez, il faut prendre un autre facteur en considération : quand les salariés qui ont un métier pénible arrivent à 50 ans et ont le malheur d’être au chômage, ce qui se produit assez souvent, les patrons ne les embauchent pas – ce qui signifie qu’ils considèrent que ces salariés ont de grandes difficultés à exercer leur métier passé un certain âge. Je pourrais également citer les études dont nous avons parlé.

Par ailleurs, vous avez beaucoup parlé de l’avancée que constituerait une évaluation personnelle de la pénibilité. Disons tout de suite qu’il ne s’agit plus de pénibilité, mais d’invalidité ! À ce sujet, l’explication que vous nous avez donnée est tout de même extraordinaire. À propos des 20 %, ou maintenant 10 %, puisque vous avez opportunément décidé – ou, du moins, annoncé – l’abaissement de ce seuil avant le débat au Sénat, sous réserve de passer devant une commission, nous avons entendu le ministre, il me semble, nous dire la chose suivante : « Certes, les caissières ont des troubles musculo-squelettiques ; mais quelle est la part qui tient au métier de caissière ? Ces troubles peuvent aussi être dus aux paquets qu’elles portent pour elles-mêmes, lorsqu’elles font leurs courses ! »

Vu que ce sont souvent les femmes qui font la plupart des courses et qu’elles portent aussi très souvent les enfants, cela signifie que toutes les femmes ont des troubles musculo-squelettiques : les pauvres caissières des grandes surfaces auront du mal à prouver qu’elles subissent une invalidité de 10 % !

On voit bien là toute la subtilité de votre passage de la pénibilité à l’invalidité. C’est à peu près du même genre que ce que nous avons entendu ici il y a quelque temps : les accidents du travail sont de la faute des salariés, parce qu’ils ne font pas attention, ils font exprès de se mettre en danger, ils tombent de l’échelle exprès, ou je ne sais quoi encore !

Il faut qu’une chose soit claire : vous avez substitué l’invalidité à la pénibilité, et vous entendez bien, au travers de votre système, priver nombre de salariés qui exercent des métiers pénibles de la possibilité de partir à la retraite avant 62 ans, ou 67 ans à taux plein. Voilà la réalité !

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