Cet article constitue le centre de votre dispositif consacré à la pénibilité puisqu’il s’agit de l’autorisation d’un départ anticipé en cas d’invalidité permanente de 10 %.
Cet article est censé être l’illustration de la flexibilité du Gouvernement, la preuve que des concessions ont été faites sur ce projet de réforme afin de l’humaniser. Dans sa grande mansuétude, le président Sarkozy, conscient des affres rencontrées par le peuple qui se lève tôt, a concédé cette mesure.
Grâce à sa bienveillante générosité, les travailleurs cassés par quarante années de labeur, voire plus, pourront partir à 60 ans à la retraite... Où plutôt, ils pourront continuer de partir à 60 ans ! Mais encore faudra-t-il qu’ils fassent la preuve qu’ils sont vraiment cassés.
À la suite d’une communication savamment orchestrée, on voudrait nous faire croire qu’il s’agit là d’une avancée. Mais il n’en est rien. C’est seulement le maintien pour une poignée de nos concitoyens, une fraction des plus abîmés, de ce qui était jusqu’à aujourd’hui la règle pour tous !
On tente de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, une régression pour une avancée, une misérable aumône pour un enrichissement. On fait de la règle l’exception, on passe du collectif à l’individuel, et l’on voudrait nous voir applaudir au progrès social : ne comptez pas sur nous !
Monsieur le ministre, en inscrivant dans la loi la notion de pénibilité, vous avez eu le cran qui a fait défaut à vos prédécesseurs. Mais, à peine après l’avoir énoncée, vous sapez la notion de pénibilité, vous l’amalgamez, vous la remplacez par l’invalidité.
Au risque de répéter ce que nous n’avons cessé de vous dire, la pénibilité n’est pas l’invalidité. La pénibilité ne saurait être réduite à l’invalidité, quel que soit le seuil que vous fixez. La pénibilité et ses désastreuses conséquences sur la santé des salariés ne peuvent être mesurées uniquement sur le critère d’invalidité.
Si vous aviez écouté les spécialistes, ces médecins du travail que votre projet de loi vise à affaiblir un peu plus, vous sauriez que nombre des pathologies liées au travail ne se révèlent que des années après la fin de l’activité. Vous sauriez aussi que nombre de ces pathologies ne sont pas quantifiables par des critères d’invalidité.
Enfin, au nom du groupe socialiste, permettez que je vous dise toute notre indignation. Votre texte entretient la logique de la marchandisation des corps et des vies !