Le fait est que l’article dont nous venons de débattre propose de siphonner les ressources de la branche accidents du travail pour prendre en charge les éventuels départs anticipés.
Cela nous ramène, de manière assez inévitable, au problème posé par la modulation des cotisations AT-MP en fonction du risque, et donc des entreprises.
Le principe de la modulation des cotisations est à la base du fonctionnement de la branche AT-MP et, historiquement, ce sont les secteurs les plus marqués par la fréquence et la gravité des accidents du travail qui sont les contributeurs les plus importants.
Ce principe constitue un appel à la responsabilité puisque chaque entreprise qui manifeste quelque effort dans la prévention et obtient quelques résultats voit sa contribution réduite.
Au demeurant, contrairement à ce que Mme Procaccia affirmait, si le bâtiment a accompli d’incontestables progrès en ce qui concerne les accidents mortels, c’est un secteur qui est frappé par l’accroissement de la durée et du nombre des incapacités temporaires de travail et une hausse importante des maladies déclarées professionnelles.
Il y a donc de fortes probabilités pour qu’il soit le secteur le plus sollicité, même dans le dispositif prévu par le projet de loi, pour consentir quelques retraites anticipées par reconnaissance d’incapacités à continuer de travailler.
Le secteur du travail intérimaire, source de main-d’œuvre essentielle dans le bâtiment, n’est pas tout à fait à la pointe de la lutte contre l’insécurité professionnelle. Cela étant, la participation des entreprises sera limitée puisque l’État mettra au pot pour financer, en grande partie, les accords expérimentaux d’allégement de la pénibilité, qui vont réduire à la portion congrue les départs en retraite pour cause d’incapacité.
L’argent public va financer le maintien en activité de salariés âgés, sous réserve de certains aménagements des postes de travail, et le mode principal de cessation d’activité des plus de 55 ans sera la rupture conventionnelle du contrat de travail, disposition que, d’ailleurs, vous avez votée, chers collègues.
Le paysage futur du monde du travail est connu : moins de préretraites, un recours de plus en plus réduit au dispositif « carrières longues », plus de ruptures conventionnelles et une retraite anticipée limitée à la prise en compte de l’évidente incapacité physique du salarié à travailler.
Dans ce contexte, l’amendement de Mme Catherine Procaccia était une démonstration intéressante des exigences redoublées du patronat – car c’est de cela qu’il s’agit en réalité – pour se libérer du financement des conséquences de ses propres décisions de gestion.
Monsieur le ministre, nous arrivons à la fin de cette discussion sur la pénibilité. Vous avez encore une raison de revoir votre position.
M. Bruno Le Maire, hier, dans une émission diffusée sur Europe 1, affirmait : « La réforme est entre les mains du Sénat » ; s’il « veut ajouter un point ou un autre, une concession ou une autre dans les jours à venir, c’est aux sénateurs de le décider. »