La pénibilité est, nous le savons tous, l’une des caractéristiques des conditions de travail dans l’agriculture. Si elle apparaît inhérente à cette activité, elle s’est considérablement aggravée ces dernières années, ce dont nous devons tenir compte. En effet, depuis les années 1970, les exploitants agricoles, comme les salariés du secteur, se sont de plus en plus retrouvés isolés sur leurs exploitations, leurs enfants s’étant souvent exilés en milieu urbain.
La prise en compte de la pénibilité est à la base de l’accord portant sur les conditions de travail en agriculture signé le 23 décembre 2008 par une majorité de partenaires sociaux de ce secteur.
Nous pouvons tous observer l’essor d’une réelle prise en compte de cette caractéristique au sein du monde agricole. Dès la loi d’orientation agricole de 1999 et avec l’accord étendu de 2001, les signataires s’étaient engagés à renforcer les commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C’est ainsi qu’a été développée l’information des salariés et des employeurs sur les bonnes pratiques en la matière. Je pense notamment au travail remarquable effectué par la MSA, la Mutualité sociale agricole.
Ainsi, dans le cadre de l’accord européen conclu sur le thème de la pénibilité le 21 novembre 2005, les entreprises ont été invitées à informer leur personnel des risques de troubles musculosquelettiques en s’appuyant sur un guide élaboré par les partenaires sociaux avec l’aide de la MSA.
À ce titre, la MSA est, de très longue date, impliquée dans le champ de la santé au travail. Cet engagement présente une triple originalité faite d’une approche pluridisciplinaire associant plus de 600 médecins du travail et conseillers en prévention. Il s’inscrit dans le cadre plus général des politiques de santé au travail menées pour tous les actifs et prenant en compte les spécificités du monde agricole, comme l’utilisation de produits chimiques.
Enfin, les grandes orientations de la MSA sont définies par les représentants élus des salariés et exploitants qui siègent au sein des comités de protection sociale des caisses MSA. Un plan pluriannuel sur la sécurité au travail a vu le jour dès 2006. Un nouveau plan pour la période 2011-2015 a été défini avec six priorités liées : au risque chimique, aux TMS, aux risques psycho-sociaux, aux risques liés aux animaux, aux risques liés aux équipements de travail agricole et aux spécificités des petites entreprises
Cette politique a été qualifiée de particulièrement intéressante par le rapport du Conseil économique et social sur l’avenir de la médecine du travail de 2008. On aurait pu penser que le Gouvernement l’aurait pris en compte dans le cadre de la réforme de la médecine du travail qu’il impose sans aucune concertation. Malheureusement, tel n’a pas été le cas et la MSA est, à ce sujet, extrêmement inquiète.
Nous voyons à travers cet exemple que la prévention est une donnée essentielle de la prise en compte de la pénibilité. La reconnaissance de la pénibilité suppose une permanence certaine de sollicitations physiques et psychiques, identifiables, irréversibles et qui laissent des traces durables sur la santé des salariés. En agriculture, elle repose sur des critères tels que des efforts importants et répétés, une présence continue dans un « environnement agressif ». Or, avec cette disposition, le Gouvernement confond sciemment pénibilité et invalidité. En effet, les conditions d’éligibilité renvoient à la maladie professionnelle, à l’accident du travail ayant entraîné des lésions, in fine au taux d’incapacité permanente.
Une telle mesure n’est pas acceptable, d’autant qu’elle tourne le dos au dispositif d’aménagement du contrat de travail en fin de carrière, mis en place par l’accord du 11 mars 2008, récemment étendu, qui permet aux seniors de diminuer leur temps de travail dès 57 ans, lorsqu’ils sont « reconnus comme ayant été soumis à des emplois pénibles ».
Elle est également contraire à la logique qui sous-tend les contrats de prévention des petites entreprises qui, dans ce cas, peuvent bénéficier d’aides financières afin d’améliorer la prévention des risques professionnels.
Nous percevons une fois encore que, pour le Gouvernement, la prise en compte de la pénibilité est non pas une affaire de santé publique, mais bien de considérations budgétaires.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous opposer à cette disposition.