Mon explication, qui porte sur l’article 27 ter AF relatif aux non-salariés agricoles, vaudra également pour l’article 27 ter AG, qui concerne les salariés agricoles. Ces deux articles sont le signe que le Gouvernement essaie de donner satisfaction aux agriculteurs pour faire passer l’incapacité de sa politique à proposer un véritable revenu agricole et des prix rémunérateurs. Vous essayez de masquer l’absence de revalorisation des retraites agricoles, les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, entre les petites productions et les grandes exploitations.
Nicolas Sarkozy s’était engagé, dès le 8 septembre 2010, à ce que toute personne présentant un taux d’incapacité de 10 % puisse faire valoir ses droits devant une commission pluridisciplinaire. Sur la base des éléments que lui présentera le salarié, cette commission pourra décider de lui accorder le bénéfice d’un départ à la retraite à 60 ans. La FNSEA commentait ces propos en déclarant qu’il semblait « très paradoxal que les agriculteurs en soient exclus alors même qu’ils sont exposés à des conditions de travail notoirement pénibles et à leurs conséquences handicapantes ».
M. le ministre vient d’y remédier en faisant adopter un amendement qui propose, à l’article 27 ter AF, de réparer ce « paradoxe », pour reprendre les propos de la FNSEA. Le Gouvernement oublie toutefois, pour des raisons inconnues, de l’appliquer aux salariés agricoles concernés par l’article suivant. Mais peut-être pourrez-vous nous éclairer sur cette distinction de traitement entre non salariés agricoles et salariés agricoles, monsieur le ministre ?
Comme vous savez, les métiers agricoles sont difficiles et usants. La pénibilité ici touche directement le corps : travail en extérieur, par tous les temps, ports de charges, etc. De plus, les maladies professionnelles qui touchent les agriculteurs sont graves et en augmentation, comme vient de le souligner Mme Blandin, notamment du fait de l’utilisation de produits chimiques.
Gérard Lasfargues, que vous évoquiez tout à l’heure, professeur de médecine et santé au travail au CHU de Tours, expliquait, lors d’un colloque devant la MSA de Beauce : « Quand on parle de travaux pénibles, on peut schématiquement distinguer deux situations. Certains facteurs de risque professionnels sont susceptibles, à long terme, de provoquer des effets irréversibles et sévères sur l’état de santé. Mais le temps de latence est parfois long et les expositions responsables ne sont pas toujours vécues comme pénibles. Les agents cancérogènes en sont l’exemple typique. En fait, trois types de conditions de travail peuvent entraîner, après de longues durées d’exposition, un risque élevé de problèmes de santé différés : les efforts physiques (c’est-à-dire manutention, port de charges, postures pénibles), les conditions d’environnement « agressif » (chaleur, intempéries, bruits, exposition aux toxiques...) et les contraintes de rythme de travail et d’horaire atypique (travail de nuit, horaires alternants, travail à la chaîne, travail sous cadence...). »
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les activités agricoles, dans leur grande majorité, entrent dans ces conditions de travail difficiles. De plus, les travailleurs peuvent avoir été confrontés durablement à des conditions de travail ressenties comme pénibles sans qu’objectivement les conséquences sur la santé à long terme ne soient démontrées. Cette pénibilité « vécue » est néanmoins souvent à l’origine de symptômes d’usure physique ou psychique.
Enfin, certaines maladies directement liées aux mauvaises conditions de travail peuvent être développées alors que le professionnel a déjà cessé son activité. De telles situations méritent d’être prévenues en protégeant le travailleur tout au long de son activité. Leur risque de survenance doit de toute façon être pris en compte dans la carrière de celui-ci.
La pénibilité ne peut être réduite à l’incapacité permanente résultant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, mais doit être prise en compte en tant que telle. C’est pourquoi les mesures proposées aux articles 27 ter AF et 27 ter AG du projet de loi sont plus qu’insuffisantes au regard du rouleau compresseur de votre projet de réforme, comme au regard de la situation du monde agricole. C’est pourquoi nous ne pourrons les voter.