Monsieur le ministre, le travail à en perdre la vie, voilà ce que vous nous proposez avec cet article.
Permettre à tous de travailler et de vivre mieux est un choix de société. Cependant, votre projet n’accroît pas les libertés ; au contraire, il les asphyxie.
La prise en compte de la pénibilité devrait entrer dans le cadre d’un choix d’avenir et de progrès et non dans un projet comme celui que vous nous proposez qui consiste à soumettre les conditions de vie des travailleurs aux diktats des marchés financiers. Ce n’est pas acceptable !
La bonne nouvelle est que l’on est en passe de reconnaître qu’avoir peiné au travail a des effets sur la qualité et la longueur de la retraite. La mauvaise nouvelle est que votre article limitera cette reconnaissance par le biais d’une définition médicale restrictive de la santé au travail.
C’est une réalité : certaines professions et certaines formes d’organisation du travail rendent de plus en plus malades.
Le travail ne s’est pas allégé ces dernières années et la dureté est restée imposée avec force. Quand il ne salit pas ou n’use pas les mains, bien que les troubles musculo-squelettiques aient fortement augmenté, le travail n’en contraint pas moins les salariés à des atteintes répétées, parfois peu visibles ou identifiables par les autres, mais fortement ressenties par les intéressés.
Dans le travail d’aujourd’hui, on a l’impression de se donner, de se vider, d’y épuiser son énergie sans que rien ni personne vienne y opposer de limites.
L’occasion vous était donnée avec cet article de définir une solidarité collective de la pénibilité au travail et non, comme vous le faites, une définition individuelle. Pour vous, le mot « pénibilité » est un terme qui sert à contenir le risque de débordement budgétaire d’une compensation qui concernerait trop de salariés qui souffrent quotidiennement dans leurs professions.
Les salariés souffrent, et l’objectif principal de cet article devrait être de répondre à cette souffrance par le retour au centre de l’entreprise du facteur humain, comme un contrat social.
Il faut en finir avec les pénibilités au travail, qui transforment le monde professionnel en épreuve quotidienne. Néanmoins, pour y arriver, il faut d’abord en finir avec la pénibilité du travail, qui empêche la discussion sur la façon dont les entreprises exploitent les travailleurs de nos jours et des limites à imposer au patronat pour la sollicitation des corps et des esprits. En résumé, redéfinissons les conditions de travail !
Préserver la retraite et consolider la notion collective de la prise en compte de la pénibilité sont des nécessités, non seulement pour donner aux retraités un revenu satisfaisant, mais aussi pour aller vers une organisation collective du temps de travail qui permettrait à tous de travailler et de vivre mieux.
Comme il n’y a pas de solution individuelle à la retraite, il n’y a pas de solution individuelle à la pénibilité.
Avec cet article, vous transformez la prise en compte de la pénibilité en un supermarché de l’usure au travail au cas par cas. La santé et le droit à la retraite feraient l’objet d’un sordide marchandage contingenté avec un nombre maximum à ne pas dépasser. Tant pis pour ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir partir à la retraire avant d’être complètement usés !
Il y a une certaine honte à aborder ainsi la santé et l’ordre public social. Cette honte est inscrite dans cet article et notre groupe refuse de la partager.