Je vais ajouter quelques arguments à ceux qui ont été développés par notre collègue Courteau afin de vous inciter à supprimer l’article 27 ter A.
Cet article est issu d’un amendement parlementaire et entend compléter le volet « compensation » de la pénibilité. Le rapport nous apprend qu’il s’inspire d’un dispositif mis en œuvre par le groupe Rhodia à la suite de la signature de l’accord du 30 juin 2010 sur la pénibilité du travail des salariés postés.
Première remarque : c’est une étrange façon de procéder que de nous dire que cet accord est celui de Rhodia. Mais soit, ce n’est pas la première fois que des accords d’entreprise propres à un groupe deviennent un standard qui est ensuite étendu aux autres salariés. Toutefois, c’était du temps de l’acquisition de nouveaux droits. Ici, rien de tel ; c’est juste une marche à suivre qui nous est donnée et aucun droit nouveau n’est créé.
Deuxième remarque : cette origine interne explique son caractère, celui d’un véritable inventaire à la Prévert ! Dans le texte que vous nous proposez, la pénibilité peut donner lieu à toute une série de « compensations » ou « d’allègement de la charge de travail », qu’il s’agisse de passages à temps partiel, de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de l’entreprise, du versement de primes ou de l’attribution de journées supplémentaires de congé, mais aussi de l’abondement d’un compte épargne-temps.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’éventail est vaste, mais nulle part il n’est écrit que la pénibilité pourrait donner droit à l’acquisition de trimestres pour permettre un départ anticipé.
Troisième remarque : ces accords pourraient être mis en place « à titre expérimental », jusqu’au 31 décembre 2013. On s’interroge encore aujourd'hui sur cette date butoir.
Au final, cet article paraît bien confus et nous estimons qu’il apporte une mauvaise et dangereuse réponse à la question de la prise en compte de la pénibilité. Ce dispositif serait générateur de nombreuses inégalités entre les salariés. En effet, selon les branches professionnelles, selon l’état de leurs finances et le rapport de forces qui y existe, ces accords seront ou non mis en place.
Vous pourrez me rétorquer que des accords professionnels existent déjà dans des branches et que, par définition, ils sont sectoriels et inégalitaires. Oui, mais pour un ministre qui se targue de créer un droit nouveau et unifié dans la loi, renvoyer ainsi à nouveau aux accords de branche procède d’une logique que nous avons du mal à saisir.
Enfin, un dernier point, et non des moindres, nous rend très circonspects face à cet article : ne risque-t-il pas de remettre en cause les accords de branche déjà conclus en matière de prise en compte de la pénibilité ? Même si, juridiquement, la réponse semble négative, nous savons qu’un nouvel environnement juridique a de grands effets sur les accords de branche existants.
C’est un appel d’air et un signal fort envoyé en direction des branches. Certaines organisations patronales pourraient profiter de cet article pour tenter de tout remettre à plat et de revenir sur des acquis.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons la suppression de cet article.