La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes complète, si l’on peut dire, les enjeux des rapports de classes existant dans le monde du travail.
Que ce projet de loi permette d’en discuter est positif, mais il aurait mieux valu qu’une véritable loi sur l’égalité professionnelle soit débattue au Parlement et que cette question ne disparaisse pas au détour d’une discussion dont les articles phares sont ailleurs.
Une fois encore, c’est en quelque sorte dans l’ombre que nous allons aborder cette question importante. Le Gouvernement a décidément des difficultés avec l’égalité entre les hommes et les femmes !
Nous le savons, la discrimination de genre qui se mène dans le monde du travail complète les rapports de classes et les amplifie. On peut presque dire que le sort fait aux femmes salariées, dans l’ensemble, participe des inégalités et de l’exploitation.
Le travail féminin est pourtant une composante essentielle des sociétés humaines, et, sans remonter au Moyen-âge, époque à laquelle les femmes partageaient avec les hommes les travaux agricoles, nous avons connu au XXe siècle une poussée continue de l’emploi féminin.
Dès la fin des années soixante, le taux d’activité féminin s’est établi au-dessus de 50 %, et il n’a cessé de progresser depuis lors, jusqu’à atteindre aujourd’hui 80 % pour les femmes âgées de 15 à 59 ans.
Pour autant, la situation du travail féminin a connu des évolutions plus que contrastées.
Le développement de l’emploi féminin a notamment touché largement la fonction publique, où, dans certains corps de métier, les femmes disposent même d’un quasi-monopole ou se révèlent très majoritaires au sein des effectifs.
C’est évidemment le cas pour les professeurs des écoles, singulièrement dans les écoles maternelles, comme pour le personnel aide soignant hospitalier ou encore les agents des crèches.
Toutefois, les femmes ont aussi largement investi les autres secteurs de la fonction publique et les plus grandes administrations de l’État. Elles forment aujourd’hui très majoritairement les effectifs de la fonction publique, les trois branches de celle-ci confondues.
Si l’égalité salariale est un principe intangible de la fonction publique – à tel grade et indice, quel que soit son genre, le fonctionnaire bénéficie du même traitement –, il est en revanche établi que nous sommes encore loin d’une absolue parité dès lors que l’on examine la question des cadres dirigeants, qui sont plus souvent des hommes que des femmes.
Dans le secteur privé, la situation est beaucoup plus contrastée encore.
Outre que les femmes sont souvent les victimes désignées des organisations horaires atypiques – temps partiel imposé, amplitude pour le moins élastique des activités, notamment dans le secteur du nettoyage, de la grande distribution ou encore des services à la personne –, elles sont aussi, à tous les niveaux hiérarchiques, la cible d’inégalités de rémunération totalement inacceptables du point de vue de la simple justice sociale.
Ces inégalités de rémunération se doublent, bien souvent, d’obstacles mis à la promotion des femmes dans des qualifications et classifications nouvelles, d’entraves posées à leur accès à la formation continue, et j’en passe.
Les accords collectifs de branche ou d’entreprise sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sont de création relativement récente, et leur extension est pour le moment assez limitée.
Au demeurant, même si les auteurs du présent texte entendent aller plus loin dans ce domaine, ils se contentent de viser les entreprises de plus de 50 salariés où les problématiques de l’égalité professionnelle sont d’ores et déjà au cœur de l’action des organisations syndicales. Même si cette prise en compte est souvent inégale, voilà un certain temps déjà que le mouvement ouvrier et syndical a intégré dans sa démarche revendicative l’égalité entre les hommes et les femmes.
Pour notre part, nous refusons de voir cette égalité se traduire en exploitation renforcée et en généralisation, aux hommes comme aux femmes, des horaires atypiques, de la flexibilité et des contraintes horaires nouvelles pesant sur la vie de famille des uns comme des autres.
Notre sentiment est que, en créant un effet de seuil, les auteurs du présent texte s’arrêtent en chemin, de peur d’aller plus loin dans la pénalisation des comportements discriminatoires.
Combien de femmes surexploitées voient leur travail ou leur identité méprisés dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Elles sont en tout cas bien plus nombreuses que celles qui pourront s’appuyer sur des accords dont le contenu, relativement variable d’une entreprise à l’autre, demeure fondé plus sur des intentions et des perspectives que sur des décisions claires.
Les chefs d’entreprise pourront ainsi battre leur coulpe d’avoir si longtemps méprisé le rôle des femmes. Ils pourront annoncer quelques-uns des efforts qu’ils vont accomplir pour remédier aux désordres constatés et se féliciter ensuite, année après année, de se trouver sur la bonne voie, sans que de réels progrès soient constatés.
Au contraire, il aurait fallu repenser de manière globale l'ensemble de l'organisation du travail et la place que ce dernier occupe dans la vie quotidienne. Nous regrettons que cette voie n’ait pas été explorée.