Intervention de Annie David

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 31

Photo de Annie DavidAnnie David :

Je trouve cette coïncidence quelque peu étrange.

Plus nombreuses que les hommes à connaître le chômage, les petits boulots, les bas salaires et les temps partiels forcés, les femmes bénéficient d’un droit à la retraite infiniment plus faible et plus fragile que les hommes. Ce sont elles qui s’arrêtent le plus souvent de travailler pour élever leurs enfants. C’est leur vie professionnelle qui est marquée par une série d’inégalités en termes d’emploi, de salaires et donc de pensions. En outre, les réformes menées depuis 1993 sont loin de compenser les écarts, en particulier à cause du calcul des retraites sur les vingt-cinq meilleures années de salaire, contre dix auparavant.

Les inégalités qui existent déjà dans la vie active vont donc se répercuter au moment de la retraite et se traduire par des taux de pension inférieurs. Les inégalités salariales n’ont pas reculé malgré toutes les lois sur l’égalité professionnelle – mes collègues viennent d’évoquer ce point.

Comme le soulignait Claude Domeizel, à travail et diplôme équivalents, voire supérieurs, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Elles représentent 85 % des salariés à temps partiel et 80 % des salariés payés en dessous du SMIC.

Les conséquences sont lourdes à l’arrivée à la retraite : les pensions des femmes sont 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités pauvres, huit sur dix sont des femmes. Je pense tout de même que cela mériterait un peu de temps de débat !

De plus, parmi les retraités actuels du régime général, 39 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 85 % des hommes. Quelque 30 % des femmes partent à la retraite à 65 ans pour ne pas subir de décote, contre 5 % des hommes.

Je citerai d’autres chiffres significatifs : 40 %, c’est l’écart entre les retraites des femmes et celles des hommes ; 30 %, c’est la part des femmes salariées qui partent à la retraite à 65 ans ; huit sur dix, c’est la proportion des femmes parmi les retraités pauvres ; 27 %, c’est l’écart de salaires entre les femmes et les hommes ; 677 euros, c’est le montant du minimum vieillesse perçu par de nombreuses femmes.

Monsieur le ministre, que proposez-vous pour répondre à tous ces chiffres ?

Tout d'abord, vous présentez un article au sein d’un projet de loi sur les retraites, alors que des lois sur l’égalité professionnelle existent déjà et qu’il faudrait plutôt vous attacher à les faire davantage respecter que faire adopter de nouvelles dispositions.

Vous prétendez créer ici une pénalité financière de 1 % de la masse salariale, alors que les mesures qui viennent d’être exposées n’ont absolument pas réduit les écarts. Pourtant, il existe déjà une disposition dans le code du travail – l’article L. 2243-2 – qui prévoit une pénalité de 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement en cas de non-accord dans la négociation collective.

Je me demande d'ailleurs ce que deviendra cet article une fois que la disposition que nous examinons à présent sera adoptée. La contredira-t-il ? Sera-t-il absorbé par elle ? S’ajoutera-t-il à elle ? Je me pose vraiment la question.

Par ailleurs, une fois encore, vous vous adressez seulement aux entreprises de plus de 50 salariés. D’un coup, une fois de plus, vous balayez les femmes embauchées dans les TPE et les PME. Nous en revenons là à notre discussion de tout à l'heure.

En outre, une fois encore, l’amende pourra varier en fonction des efforts accomplis par l’employeur, cette modulation s’effectuant bien entendu uniquement à la baisse, car le taux de 1 % ne peut être dépassé.

Cerise sur le gâteau : les lois précédentes imposaient à l’ensemble des entreprises de mettre en place un accord avant le 31 décembre 2010. Évidemment, monsieur le ministre, avec ce nouvel article, vous reportez le délai d’un an, vous accordez une année supplémentaire aux entreprises pour se pencher sur ce que vous avez vous-mêmes appelé, lors de votre audition, un des scandales de notre République.

Face à un tel scandale, il me semblait que des mesures plus importantes auraient pu être mises en œuvre.

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