Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'occasion d'exprimer mon point de vue sur le concept à l'oeuvre tout à l'heure. Je n'y reviens donc pas.
Toutefois, il me paraît opportun, pour la qualité de nos échanges, de dire quelques mots à notre collègue Mme Hermange, qui nous a présenté un raisonnement en faveur du dispositif. Son argumentation s'appuyait sur l'idée selon laquelle l'État a sa part et, d'une manière plus générale, sa responsabilité dans la vie des familles et la protection des enfants. Elle a mentionné toute une série de dispositifs qui y concourent.
Mais cela, nous ne le mettons pas en cause, bien au contraire ! En ce domaine, il existe aujourd'hui des voies de recours. Ce n'est pas de cela dont nous parlons.
Ce dont nous traitons, en revanche, c'est de la nouveauté de la sanction. Des modes de signalement existent déjà. Mais là, on fait quelque chose « de plus ». C'est sur le bien-fondé de ce « de plus » que nous nous exprimons.
Nous nous demandons si ce dispositif est efficace et, aussi, s'il est moral. Une telle interrogation a un sens. L'action publique doit, en effet, avoir une signification qui donne à voir une conception de la vie et une morale. Je pense que nous sommes d'accord sur ce sujet.
Or, en l'occurrence - je ne peux que résumer mon propos -, la mesure n'est pas morale. Car cette sanction, contrairement à toutes celles qui sont fondées sur la loi, se traitera au cas par cas entre des personnes irresponsables !
Il y aura d'abord ceux dont on aura décidé qu'ils méritent une sanction, à savoir des parents qui n'en peuvent mais.
La loi ne peut naturellement pas aller jusqu'à décrire tous les cas de figure justifiant la sanction, ce qui serait totalement absurde. Mais alors, qui le fera ? À quel moment décidera-t-on que c'est le parent qui est responsable de la situation ? Car il faudra bien le décider !
Une fois que la situation aura été constatée et que la responsabilité aura été déclarée, la sanction s'appliquera au ménage tout entier, y compris aux frères et aux soeurs. Nous inventons donc une sanction qui sera appliquée à des gens dans un rapport d'irresponsabilité.
En face de ces parents qui n'en peuvent mais - ils n'ont ni avocat ni moyen de recours -, il y aura des travailleurs sociaux dont ce n'est pas le travail et, au bout de la chaîne, un président de conseil général qui devra conclure !
C'est seulement cela, madame Hermange, que nous avons mis en cause. Nous n'avons pas du tout contesté que la responsabilité des parents soit engagée devant la société, ni l'éventualité qu'ils soient défaillants. Bien sûr qu'ils peuvent l'être ! Nous sommes confrontés aux mêmes expériences de la vie que vous et que tous les membres de la Haute Assemblée. Nous savons bien que de telles situations existent.
Mais ne voulons pas de ce dispositif ni de cette méthode-là ! Nous savons bien qu'elle ne sera pas efficace. Elle ajoutera non seulement - cela a été dit - du malheur au malheur, mais, surtout, de la haine à la haine et de la tension à la tension ! C'est pourquoi il faut rejeter non seulement le principe en général, mais également sa modalité pratique.
J'espère ne pas vous avoir lassés, mais je tiens à ce qu'il soit bien précisé que nous ne sommes pas dans une discussion abstraite ! Vous n'êtes pas les seuls à penser que tout le monde est responsable dans la vie et que chacun doit rendre compte de ses actes : nous le pensons tous !
Cela étant, la méthode proposée me semble, pour faire bref, barbare.