… qui ne sait ni exploiter ni valoriser le potentiel de nos ports. Son manque d’engagement traduit son manque de vision stratégique : investissements, et pis entretien, font défaut depuis des décennies, sur fond de centralisation excessive. L’arrière-pays est également très insuffisamment irrigué, sur le plan tant fluvial que ferroviaire.
Organiser un Grenelle de l’environnement ne suffit pas ; il faut se donner les moyens de changer les choses ! Le manque d’ancrage sur les territoires constitue notre plus grande faiblesse par rapport à nos voisins européens. Depuis des années, nous attendons en vain la mise en place d’une nouvelle gouvernance dotant les ports de davantage d’autonomie. Aujourd’hui encore, aucun projet important ne peut être engagé sans l’aval de l’État.
Devant ce constat, notre groupe de travail a esquissé quinze propositions, consistant en mesures volontaristes pour « doper » nos ports maritimes et pour mettre à profit tout leur potentiel.
Ces mesures sont de deux types : les unes, d’ordre réglementaire et législatif, ont un coût nul ; les autres, d’ordre financier, comportent un volet « investissements » à la hauteur de l’enjeu.
Dans le secteur maritime plus encore que dans d’autres, les investissements reflètent notre vision d’une règle d’or dynamique et vertueuse, où dette et déficits n’affectent pas les dépenses d’avenir, les investissements porteurs de richesses futures.
Pour appuyer ces propositions, je ferai appel à mon expérience d’élu local, de vice-président chargé des transports d’une région à vocation profondément maritime, le Languedoc-Roussillon.
Pour la gouvernance des ports, comme dans bien d’autres secteurs, l’État doit donner la priorité aux collectivités territoriales. Nous devons modifier immédiatement le statut des grands ports maritimes afin de donner plus de poids aux collectivités territoriales concernées par le développement portuaire.
La France reste ce qu’elle est historiquement : un pays trop centralisé. Or, on le constate jour après jour, Paris a échoué à développer les ports.
Engager une véritable décentralisation des ports, à l’instar de ce que font nos voisins en Europe, est une solution : les autorités portuaires pourraient prendre la forme d’un établissement portuaire local ou d’un syndicat mixte, selon le choix des collectivités territoriales. Surtout, celles-ci doivent avoir un intérêt à investir dans les infrastructures portuaires : elles doivent profiter financièrement de leurs investissements.
Bien sûr, nous n’échapperons pas à la question des financements. Nous sommes les héritiers de décennies d’abandon. Une stratégie ambitieuse doit reposer sur un doublement – au minimum – des moyens et suppose que les investissements dans le ferroviaire et le fluvial soient en cohérence avec le développement maritime.
Or, monsieur le ministre, les contributions de l’État aux investissements portuaires dans le cadre du SNIT manquent cruellement d’ambition. Alors que le coût total des principaux projets de développement portuaire représente près de 3 milliards d’euros, la participation de l’État ne s’élèvera qu’à environ 400 millions d’euros, soit moins de 2 % de l’enveloppe globale consacrée aux nouvelles infrastructures, le solde provenant des régions et des autres collectivités territoriales ! Malgré le Grenelle de l’environnement, le gouvernement actuel privilégie donc toujours le « tout-routier »…
Pis, l’État n’a jamais remboursé l’intégralité des dépenses d’entretien et d’exploitation des accès maritimes – chenaux, écluses, dragages –, alors qu’il s’agit d’une obligation légale. Les sommes en jeu sont considérables !
Oui, les membres du groupe de travail plaident pour que les collectivités territoriales aient davantage de responsabilités dans le développement des ports, mais, bien sûr, ils n’en souhaitent pas moins que l’État paye ses dettes, compense ses manquements et ses errements !
En conclusion, j’insisterai sur deux points.
D’une part, un port doit être au service de son pays, car il n’est pas une fin en soi : cet équipement ne doit pas être refermé sur lui-même. Un port est un outil d’aménagement qui doit être ouvert sur les territoires et les entreprises, et contribuer au développement économique.
D’autre part, le déclassement des ports français n’est pas une fatalité : l’heure est à la mobilisation de tous pour que nos ports regagnent les parts de marché perdues. La Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne ont compris l’intérêt stratégique, pour ne pas dire vital, que représentent les ports pour l’économie : notre action doit être à la hauteur du potentiel que la géographie nous a offert.
Je fais ici un rêve – accessible –, celui d’une ambition pour les ports français : Marseille doit devenir dans dix ans le premier port méditerranéen pour les conteneurs et Le Havre doit concurrencer Anvers. Si nous gagnons ce pari, nous aurons fait œuvre utile.