Intervention de Christian Bourquin

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la réforme portuaire

Photo de Christian BourquinChristian Bourquin :

Loin d’atténuer les risques de conflits sociaux, la réforme portuaire de 2008 portait en son sein les germes de la contestation. Les négociations sociales ont été d’autant plus tendues que l’injuste réforme des retraites a été adoptée il y a moins d’un an, faisant douter les partenaires sociaux de la capacité de l’État à participer au financement du dispositif prévu par la réforme portuaire.

En outre, aujourd’hui encore, les ports décentralisés sont les grands oubliés d’une réforme qui visait à améliorer les performances des seuls grands ports, par le biais d’une nouvelle gouvernance, mais surtout de l’unité de commandement sur les terminaux.

Pis encore : afin d’affirmer le rapprochement, au sein des entreprises de manutention, de deux catégories de personnels, il a été décidé de fusionner deux conventions collectives, celle des ouvriers dockers, d’une part, et celle des personnels portuaires, d’autre part.

Puis, pour obtenir l’adhésion des organisations syndicales représentant les personnels portuaires, il a été accordé à ces derniers un régime de préretraite de deux ans au titre de la pénibilité des métiers exercés, abondé d’un an supplémentaire, sur l’ensemble des ports français.

Dès lors, non seulement les ports décentralisés n’ont pas tiré de la réforme les bénéfices attendus en termes d’améliorations de performance, mais ils doivent de surcroît supporter le poids très lourd des contreparties sociales qui ont été consenties.

Aujourd’hui, on constate que la perte de performance des ports décentralisés se traduit par un renchérissement de 10 % à 15 % des coûts de personnel, qu’il s’agisse des ouvriers dockers ou des personnels d’exploitation des établissements portuaires. Cette situation est d’autant plus dommageable que de nombreuses collectivités s’impliquent résolument dans le développement des ports secondaires.

À ceux qui contesteraient mes propos, je donnerai l’exemple de la région Languedoc-Roussillon, que j’ai l’honneur de présider et qui souhaite créer les conditions optimales d’un report modal du transport routier de marchandises vers les voies maritime et fluviale, en investissant massivement dans le développement des ports, que ce soit à Sète, à hauteur de 300 millions d’euros sur les trois ans à venir, à Port-la-Nouvelle, avec 100 millions d’euros d’investissement public pour les quatre prochaines années, ou à Port-Vendres. À cet égard, monsieur le ministre, comment ne pas déplorer que RFF veuille conserver, sur le port de Sète, les sillons d’une voie ferrée envahie par l’herbe, alors que la région est en mesure de la remettre en fonction ?… Tout concourt donc au déclin, et en l’occurrence il ne s’agit pas d’argent !

Notre région est convaincue que ces modes de transport de fret alternatifs permettront, à terme, un nouveau développement économique ouvert sur la Méditerranée.

Dans cette optique, nous accompagnons des projets visant à développer les activités des ports maritimes en finançant l’aménagement d’un nouveau terminal à conteneurs sur le port de Sète, en partenariat avec l’ensemble des acteurs économiques intéressés.

Pour y parvenir, encore faut-il que notre région puisse bénéficier d’une grande clarté et d’une totale cohérence des textes encadrant ses prérogatives dans les ports dont elle assume la gestion.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, cela est loin d’être le cas, et notre débat d’aujourd’hui est aussi l’occasion de rappeler l’urgence d’une mise en concordance des textes réglementaires applicables aux ports décentralisés relevant de la compétence des régions.

À ce propos, je formulerai deux observations.

En premier lieu, je rappellerai que, par une ordonnance du 28 octobre 2010, la partie législative du code des ports maritimes a été intégrée au code des transports. En revanche, la partie réglementaire dudit code a été maintenue en l’état. Le problème est que cette ordonnance fait totalement abstraction des ports décentralisés relevant de la compétence des régions, dans la mesure où elle ne reconnaît que la seule compétence des départements et des communes. Mes chers collègues, vous le comprendrez aisément, cette absence de reconnaissance de la région en qualité de propriétaire de ports décentralisés soulève diverses interrogations et crée de nombreuses difficultés.

En second lieu, signalons que la conclusion des conventions de terminal permet une modernisation des infrastructures et des superstructures des ports, tout en favorisant le développement économique portuaire. Pourtant, seuls les grands ports maritimes et les ports autonomes sont autorisés par le code des ports maritimes à conclure de telles conventions. Il conviendrait donc de permettre aux ports décentralisés, quelle que soit la collectivité territoriale compétente, de conclure toute convention de terminal avec un opérateur.

Eu égard aux difficultés qui sont les nôtres, monsieur le ministre, il semble établi que l’État a d’ores et déjà décidé de ne pas appliquer la réforme de 2008 à l’ensemble des ports décentralisés, sur lesquels, de toute façon, il n’a plus aucune autorité directe, du fait de leur transfert aux collectivités territoriales. Les principes de la réforme seraient pourtant tout autant valables, notamment en termes de gouvernance et d’organisation du travail, pour les ports décentralisés que pour les grands ports, les premiers étant les compléments indispensables des seconds. Il est donc essentiel, pour que les ports décentralisés puissent jouer pleinement leur rôle, que leur productivité s’améliore au même rythme que celle de leurs grands voisins. À défaut, ils dépériront, finiront par disparaître, et avec eux des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois.

Pour illustrer mon propos, je soulignerai que le trafic a augmenté de 24 % entre 1989 et 2006 dans les ports français, tandis qu’il croissait en moyenne de 60 % dans l’ensemble des ports européens, et qu’entre un tiers et la moitié des conteneurs à destination de la France transitent par des ports étrangers : de tels chiffres doivent nous amener à nous interroger, mais surtout à examiner comment nous pouvons remédier efficacement à une telle situation.

Quand on sait que le trafic de conteneurs a doublé en France entre 1989 et 2006, pour atteindre 36 millions de tonnes, et que les parts de marché des ports français ont été divisées par deux sur ce segment, on ne peut que se poser de graves questions.

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