Une vision maritime peut toutefois se construire, à condition d’en avoir la volonté politique : c’est son absence que nous déplorons depuis plusieurs années, car elle condamne aujourd’hui l’une des grandes puissances maritimes d’Europe à subir l’éloignement des plateformes du commerce mondial, au détriment de son économie et de sa croissance.
Un certain nombre de chiffres, déjà cités par les orateurs qui m’ont précédée, permettent d’appréhender la gravité de la situation : entre 1989 et 2006, la croissance du trafic des ports français a été de près des deux tiers inférieure à celle des ports de nos voisins européens, et la moitié des conteneurs à destination de la France transitent par des ports étrangers. Notons, à ce propos, que la dernière réforme portuaire, censée aider les ports à reconquérir des parts de marché, ne leur a, pour l’heure – peut-être est-il encore trop tôt pour dresser un bilan définitif –, même pas permis de stabiliser leurs positions.
Néanmoins, certains responsables politiques ont pris conscience du caractère stratégique des mers et des océans. La mondialisation de la production à flux tendus et de la division sociale du travail fragmente en effet les zones de production, tout en les éloignant des centres de consommation.
Pourtant, ne l’oublions pas, le troisième armateur mondial de porte-conteneurs est français et les armements européens contrôlent 41 % de la flotte mondiale. Comment valoriser nos atouts ? L’objectif est non pas uniquement de nous livrer à une concurrence débridée avec nos voisins européens, mais avant tout de sécuriser, dans le respect des normes sociales et environnementales, l’acheminement des produits nécessaires au fonctionnement et au développement de notre économie, à l’import et à l’export.
Sans reprendre ici intégralement l’excellent argumentaire de M. Revet, je centrerai mon propos sur le rôle de l’État. Ce dernier a été le patient édificateur du réseau portuaire, conformément à la tradition française du centralisme interventionniste, qui a eu son temps et ses mérites, mais apparaît aujourd’hui totalement inadapté pour affronter les défis de l’économie mondialisée et du développement territorial durable.