Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la réforme portuaire

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

De mon point de vue, il s’est avant tout agi d’un « arbre social », habilement mis au premier plan pour cacher la forêt d’une politique de renoncement.

En matière de pilotage stratégique, tout d’abord, il est apparu flagrant que l’État n’assume pas ses responsabilités. L’éclatement et l’instabilité de l’appareil politique et administratif fragilisent grandement la conduite d’une action publique rationnelle en matière maritime et débouchent sur une démarche parfois opportuniste, menée au gré des vagues et des courants par des ministères travaillant difficilement ensemble – la mer étant quelquefois tout simplement ignorée des attributions ministérielles – et des administrations, centrales et déconcentrées, parfois en conflit entre elles et favorisant des glaciations locales…

Cette polyphonie vire parfois à la cacophonie, surtout quand elle s’accompagne d’une réduction drastique des moyens d’investissement et de fonctionnement. Dans ce cadre, l’application uniforme d’une RGPP mécanique risque de s’opposer à la mise en œuvre d’une politique concertée de long terme, seule à même de doter les ports et les acteurs du monde maritime d’outils durables pour qu’ils puissent s’affirmer véritablement à l’échelle européenne et internationale. Ainsi, le démantèlement affligeant de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, la réforme des services des douanes, encore mal connue, et la disparition des services locaux de la direction des affaires maritimes dans des régions à très forte vocation maritime constituent autant de signaux négatifs adressés aux porteurs de projets, et plus spécifiquement aux collectivités.

En matière d’investissements portuaires, ensuite, la participation de l’État, à hauteur de 15 %, n’a pas donné l’impulsion nécessaire au redécollage de nos places portuaires. Un rapport de la Cour des comptes, paru dès 2006, reconnaissait ainsi que « la proportion des investissements affectée au domaine portuaire en France est plus limitée que dans plusieurs pays européens, notamment l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne », alors même que notre retard structurel devrait nous imposer des efforts sans précédent.

De surcroît, la diminution chronique du taux de remboursement des frais engagés pour l’entretien des accès maritimes des ports, celui-ci s’établissant à 60 % en 2006, est à cet égard révélatrice des graves défaillances d’un État qui se permet de ne pas respecter les lois qu’il a lui-même édictées.

Encore une fois, les collectivités locales, en particulier les régions et les départements, se trouvent contraintes de pallier les carences d’un État qui leur fait payer le prix de sa propre inconséquence budgétaire et fiscale.

Lors de la discussion, en mai 2009, de la question orale avec débat sur le bilan d’application de la loi portant réforme portuaire, le secrétaire d’État chargé des transports de l’époque se félicitait de ce que 2, 4 milliards d’euros doivent être investis entre 2009 et 2013 dans la transformation des infrastructures portuaires, en oubliant de préciser que, sur ce montant, 500 millions d’euros seulement proviendraient de l’État. Au surplus, cet investissement de 2, 4 milliards d’euros, sur cinq ans et pour sept ports, est d’un tiers inférieur à celui que les Pays-Bas consacrent au seul port de Rotterdam.

Cette situation dramatique conduit petit à petit à un sous-équipement qui condamne, à court terme, les ports français, car l’on sait à quel point la fiabilité est un critère prépondérant en termes de compétitivité, bien avant même les coûts des prestations.

Tutelle pesante, rigidités réglementaires, désengagement financier : le Gouvernement a peut-être créé les conditions de la disparition de ports français d’ores et déjà relégués dans les profondeurs des palmarès internationaux. Le tonnage traité par le seul port de Rotterdam dépasse ainsi celui de nos sept grands ports maritimes réunis…

Toutes ces incohérences sont d’autant plus regrettables que le Grenelle de l’environnement et, surtout, le Grenelle de la mer avaient fait naître de grandes espérances, notamment en ce qui concerne l’éco-responsabilité portuaire et la formation, laquelle demeure trop souvent négligée lorsque l’on évoque l’avenir des ports.

Les caractéristiques des flux maritimes mondiaux et les limites de la rente pétrolière nous obligent à modifier radicalement notre conception de l’action publique au service du développement des ports français. En l’occurrence, c’est bien l’offre qui crée la demande, et une politique d’investissements massifs et durables s’impose si nous voulons franchir un cap qualitatif et quantitatif.

Il nous faut accroître très sensiblement le trafic de conteneurs afin d’amortir l’achat et le fonctionnement d’outillages et d’infrastructures performants et, ainsi, de nous conformer à l’esprit de la directive européenne du 26 juillet 2000, dont la mise en œuvre a conduit à une dissociation entre activités d’autorité publique ou d’intérêt économique général, d’une part, et activités présentant un caractère concurrentiel, d’autre part. Je rappelle une nouvelle fois que 1 000 conteneurs supplémentaires permettent de créer cinq emplois.

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