En effet, le modèle de déploiement qui a été choisi ne nous paraît pas pertinent. Je le rappelle, plusieurs solutions pouvaient être envisagées.
Nous aurions pu recourir à un opérateur mutualisé, mais cette idée n’a pas été retenue voilà un peu plus de deux ans, car l’opérateur historique n’y était pas favorable. Nous aurions pu nous inspirer de l’Australie, où c’est un opérateur unique qui a été créé pour déployer la fibre sur le territoire, ou de la Finlande, où le déploiement est assuré par un partenariat public-privé. Nous aurions également pu envisager, comme nous l’avons fait avec le réseau autoroutier, des concessions à l’échelon régional. Ce choix aurait eu l’avantage de confier le déploiement de la fibre à des entreprises de travaux publics, qui sont habituées à des retours sur investissement à plus long terme et à des taux plus faibles que les opérateurs de télécommunications.
Le modèle qui a été choisi vise à favoriser l’initiative privée. Or les opérateurs privés – on ne peut pas les en blâmer – privilégieront la rentabilité. Il existe donc un risque évident d’écrémage.
Dans le cadre du programme national « très haut débit », le PNTHD, 750 millions d’euros ont été affectés au concours de l’État aux collectivités pour le déploiement de la fibre en zone rurale. Cette enveloppe a été portée à 900 millions d’euros au mois d’avril dernier. C’est mieux, certes, mais on est encore loin des besoins en la matière. Le rapport que j’ai remis voilà un an au Premier ministre montre que le Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, devrait être alimenté à hauteur de 600 millions d’euros par an sur quinze ans pour pouvoir atteindre les objectifs fixés par le Président de la République.
Mais chose beaucoup plus grave, à la suite des annonces faites lors de la conférence de presse du 27 avril dernier, vous avez fait un pas supplémentaire dans la mauvaise direction.
Au préalable, on considérait qu’une collectivité ne percevrait pas de subvention pour les projets en zones denses, mais qu’elle pourrait en percevoir pour les projets en zones non denses. Désormais, vous considérez qu’il faut punir les collectivités qui ont l’audace d’investir dans des zones denses en supprimant la subvention, même si, dans le même temps, elles interviennent en zones non denses. Cette décision interdit ipso facto toute péréquation à l’échelle d’une collectivité entre les zones rentables et les zones non rentables.