Quatrième point, nous souhaitons que soit réaffirmé le droit des collectivités territoriales à intervenir sur la totalité de leur territoire et qu’on leur reconnaisse le statut d’opérateur de réseau.
Enfin, cinquième point, il faut changer fondamentalement la relation entre l’État et les opérateurs.
Aujourd’hui, les opérateurs sont considérés comme une source de revenus, à la fois parce que l’État est actionnaire de France Télécom et parce que, lorsqu’il a besoin d’une petite recette budgétaire supplémentaire, on crée une taxe sur les opérateurs. En revanche, on ne leur fixe aucune obligation. Selon moi, il faut faire l’inverse, à savoir arrêter de considérer les opérateurs comme des vaches à lait et leur fixer de véritables obligations de service public, afin que nos territoires aient enfin une couverture satisfaisante.
J’en viens à la téléphonie mobile.
Comme vous l’aviez vous-même reconnu, monsieur le ministre, nous devons de toute urgence nous mettre autour de la table et créer un groupe de travail ad hoc, afin de définir des critères satisfaisants et correspondant à la réalité de la couverture de nos territoires en téléphonie mobile.
Concernant le haut débit, il faut mettre en place pour tous un véritable accès sur la base de 2 mégabits par seconde dès 2012, puis de 8 mégabits par seconde à l’horizon de 2015. Il est impossible de parler de très haut débit lorsque des territoires ne disposent même pas aujourd’hui d’un débit de 512 kilobits par seconde. C’est tout simplement intolérable !
À la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons eu l’occasion, notamment sur l’initiative de notre collègue Michel Teston, de nous interroger sur la nécessité d’inclure le haut débit dans le service universel. C’est une vraie question qui devra sans doute être tranchée à l’échelon européen. En attendant, nos concitoyens doivent impérativement accéder à un véritable haut débit, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, contrairement à ce qui nous est affirmé, notamment par les opérateurs, dans nos départements respectifs.
S’agissant du très haut débit, il ne faut pas, à ce stade, envisager de changer le modèle qui a été choisi. En revanche, il convient de le rendre efficace. C’est le sens des propositions que je rappelais tout à l’heure en évoquant le schéma directeur territorial d’aménagement numérique, dont nous voulons faire un véritable instrument.
Au-delà, il est impératif, dès 2012, d’alimenter le Fonds d’aménagement numérique des territoires, et c’est possible sans créer de prélèvements supplémentaires. En effet, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, nous avions suggéré ici même d’affecter à ce fonds une partie de la recette générée par l’augmentation de la TVA sur l’offre triple play, qui a quand même dégagé 1, 1 milliard d’euros supplémentaires. Mais, naturellement, nous n’avons pas été entendus.
Je signale aussi que le président de l’ARCEP a eu l’occasion de rappeler que plus de 4 milliards d’euros étaient encore aujourd’hui consacrés chaque année aux routes. Selon moi, on pourrait réduire ces crédits et accroître ceux qui sont consacrés à cet investissement d’avenir que constitue le déploiement de la fibre !
Le Fonds d’aménagement numérique des territoires devra financer les investissements des collectivités, non pas selon des règles et des ratios stricts, mais en fonction de l’importance des projets et des capacités contributives des collectivités. En effet, ce sont malheureusement souvent dans les départements les plus pauvres que l’on a affaire aux projets les plus onéreux.
Il faut encore, en priorité, assurer le déploiement en zone rurale, où les besoins et l’appétence sont beaucoup plus grands. On observe ainsi, et c’est tout à fait logique, que le taux de raccordement à la fibre dans certains départements ruraux n’a rien à voir avec celui que l’on observe en zone urbaine. Par exemple, dans l’Ain, il est de 60 %, contre seulement 5 % à Paris !
Il faudra également revoir les modalités d’utilisation du milliard d’euros du guichet A du Fonds national pour la société numérique, car proposer des prêts aux opérateurs n’a pas de sens. Mieux vaut réorienter les crédits vers du coinvestissement.
L’ARCEP devra travailler sur la tarification du très haut débit pour les professionnels. Aujourd’hui, il existe en effet des tarifs différents.
Il faut travailler à une harmonisation des référentiels techniques, afin que, d’un département à l’autre, les réseaux soient concordants et homogènes.
Enfin, en 2013, il conviendra naturellement de faire le bilan du modèle choisi pour éviter d’appliquer indéfiniment et sans aucune analyse un modèle qui ne serait pas pertinent. Le cas échéant, il ne faudra alors pas s’interdire de changer de modèle de déploiement, car le sujet est beaucoup trop important pour aller droit dans le mur !
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous indiquer. Nous attendons des réponses à ces propositions ainsi qu’aux questions qui vous avaient été posées en commission de l’économie le 20 juin et que je vous ai rappelées par courrier le 23 juin. J’ai bien reçu un accusé de réception signé de votre directeur de cabinet le 19 juillet, mais aucune réponse ne m’a été apportée à ce jour. Par conséquent, permettez-moi de revenir rapidement sur ces questions qui sont importantes.
Comment le Gouvernement entend-il revoir les critères de mesure de la couverture en téléphonie mobile ? Quelles initiatives entendez-vous prendre pour résorber les zones blanches ? Comment le Gouvernement compte-t-il contrôler le respect des engagements pris par les opérateurs ?
Une dernière question m’a été soufflée par l’actualité. Monsieur le ministre, vous vous rappelez que, en application de la loi de modernisation de l’économie, le Gouvernement avait pris un décret relatif au droit à la connaissance des réseaux par les collectivités territoriales. Ce décret avait été annulé pour vice de forme. Lors de la transposition de la directive, nous avions fait en sorte de sécuriser juridiquement ce décret, afin qu’il puisse être repris à l’identique.
D’après les informations dont nous disposons – mais j’espère que vous allez nous affirmer le contraire ! –, le Gouvernement serait revenu en arrière et ne serait plus disposé à prendre une version semblable à la précédente, l’opérateur historique n’étant pas favorable à un accès trop large des collectivités à la connaissance de leurs réseaux, en tout cas à titre gratuit. Sur ce point, nous attendons donc une réponse de votre part.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos territoires ont aujourd’hui « soif de débit ». Depuis la publication du rapport, un appel à la mobilisation générale pour le très haut débit a été lancé cet été à Aurillac par des réseaux d’initiative publique, qui demandent que soient prises des mesures fortes. À cet égard, j’aimerais appeler votre attention sur un sondage qui a été réalisé par l’Association des maires ruraux et qui m’a moi-même surpris : la problématique numérique serait la première préoccupation des élus ruraux, avant même l’école et les routes ! Cela montre à quel point les territoires ruraux sont en attente d’une couverture numérique satisfaisante.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous n’entendons pas en rester là. À l’issue de ce débat, je déposerai avec Philippe Leroy une proposition de loi, car, dans cet hémicycle, nous pensons qu’il est temps de « passer des paroles aux actes » !