Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la couverture numérique du territoire

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Se poserait ensuite un problème budgétaire : où trouver l’argent – l’Australie dépensera un peu plus de 20 milliards d’euros – si l’on ne fait pas appel au secteur privé ?

En outre, je ne suis pas sûr que tout le monde ait pensé aux conséquences sur le plan technique : ce modèle suppose une séparation non seulement fonctionnelle, mais aussi structurelle de l’opérateur historique. Voulons-nous une telle séparation, chers amis ? J’en doute !

La France a donc choisi un modèle mixte : elle fait appel à l’initiative privée dans les zones denses et à l’intervention publique dans les zones non denses, avec une certaine mutualisation. Au reste, soyons réalistes : ne disons pas que le modèle choisi par la France est tout sauf un modèle mutualisé. Un simple calcul approximatif montre que 50 % des coûts de déploiement seront mutualisés en zone dense, contre 90 % ailleurs.

Cela étant, je vous rejoins, monsieur Maurey, sur le fait que le dispositif doit être stabilisé. Il s’agit en effet d’investissements lourds.

Le cadre dans lequel nous nous inscrivons, qui résulte de la loi de modernisation de l’économie, de la loi Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique et des travaux de l’ARCEP, est donc perfectible. Il l’est d’abord s’agissant des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, et c’est également un point sur lequel je vous rejoins, monsieur Maurey. Les SDTAN doivent certainement être rendus obligatoires. Peuvent-ils être opposables ? Je ne le sais pas. Lorsque j’étais rapporteur de la proposition de loi Pintat, on nous avait objecté l’existence d’un certain nombre de contraintes constitutionnelles : tutelle impossible d’une collectivité sur une autre ou liberté du commerce et de l’industrie. En tout cas, le débat reste ouvert.

Une deuxième possibilité d’amélioration consiste à éviter les doublons. Épargnons aux collectivités la mise en place d’infrastructures déjà installées par un opérateur privé. Pour ce faire, le droit à la connaissance des réseaux est fondamental. C’est pourquoi je souhaite à mon tour que le décret soit rapidement publié.

La troisième amélioration possible porte sur la fameuse déclaration d’intention des opérateurs privés. Celle-ci doit être recadrée pour permettre un « suivi longitudinal », si vous me permettez de reprendre cette expression employée en matière de lutte contre le dopage. Il faut en effet évaluer et contrôler tous les ans leurs engagements. Sans doute faut-il aussi que cette déclaration soit rendue caduque si l’opérateur traîne trop les pieds. En la matière, il faut lever toute incertitude.

Après la question du modèle se pose celle du rôle de l’État.

Monsieur le ministre, l’État doit assurer le pilotage de ce grand chantier, qui est une cause nationale, et soutenir les collectivités locales. C’est pourquoi il faut recréer une cellule de soutien, composée de quinze à vingt collaborateurs de bon niveau. Je sais que nos jeunes hauts fonctionnaires qui connaissent bien le secteur sont partis à l’ARCEP ou chez les opérateurs privés, même si l’on en trouve parfois dans les cabinets ministériels, mais ils sont trop peu nombreux. Il faut donc que l’État reconstitue cette task force. On attend de lui qu’il soit un stratège et un accompagnateur.

Pour terminer, je veux aborder la question du financement.

Pour ce qui est du secteur privé, le guichet A existe. Mais je pense, comme M. Maurey, que c’est peu de chose par rapport à la grêle de taxes ! J’entends parler d’une nouvelle taxe COSIP destinée à alimenter le Centre national de la musique. Je dis attention ! Les opérateurs privés ont en effet besoin de leur énergie pour investir.

Quant aux collectivités, je veux simplement dire que je me suis réjoui – alors qu’ici nous avons seulement entendu des plaintes au sujet d’un État qui ne ferait rien – que 4, 5 milliards d’euros provenant du grand emprunt aillent au numérique. À l’époque, j’ai ramé pour cela. C’est un point positif : autant le dire !

La qualité du financement doit reposer sur la péréquation. En fonction du taux de ruralité, le niveau du subventionnement des projets publics par le Commissariat général à l’investissement se situe entre 33 % et 45 %. Ce principe doit être conservé.

Le financement doit également être durable. Pour l’instant, il existe le Fonds d’aménagement numérique des territoires. La question ne se posera donc pas avant deux ou trois ans. Épuisons d’abord les subventions du guichet B avant de créer une taxe qui risquerait de déséquilibrer le système et de troubler les opérateurs. Pour le moment, je pense que nous disposons de la masse financière permettant aux collectivités locales d’initier un mouvement.

Le financement de l’État doit enfin être ciblé. À cet égard, je veux vous faire une proposition, monsieur le ministre. Vous le savez, les grands réseaux de transport sont assurés par les opérateurs, la boucle locale est assurée par les collectivités locales et les opérateurs. Reste le maillon manquant, à savoir les réseaux de collecte, soit 15 000 à 20 000 kilomètres pour un coût de 1 milliard d’euros. Je souhaite que le Gouvernement ou le Sénat demande à l’ARCEP de rédiger un rapport. Sur ce point, l’aide de l’État pourrait constituer un levier décisif.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai sans doute été trop technique, mais il s’agit de l’avenir de notre pays, de sa place dans le monde et, à l’intérieur de ses frontières, du beau principe de l’égalité territoriale auquel nous croyons et nous tenons tous !

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