Intervention de Pierre Hérisson

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la couverture numérique du territoire

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ceux d’entre nous qui siègent dans cet hémicycle depuis 1995 au moins ont participé à l’élaboration des différents textes applicables au sujet qui nous occupe aujourd’hui et ont été confrontés aux évolutions de ces technologies, que nous dénommons désormais « communications électroniques » et non plus « téléphonie ».

Je ne me livrerai pas à un historique, mais je tiens à rappeler que la technologie a parfois incité les plus clairvoyants d’entre nous à réviser leurs positions. En effet, il n’y a pas si longtemps, on associait uniquement les zones blanches à la « téléphonie mobile », on parlait de la mutualisation des antennes, de la problématique – qui n’est toujours pas résolue – des risques induits pour la santé par les ondes hertziennes. À cet égard, la dépose des antennes-relais est parfois totalement contradictoire avec l’exigence de nos concitoyens d’une meilleure couverture du territoire. Quoi qu’il en soit, cette évolution doit être rappelée par des élus nationaux responsables.

Je veux aussi indiquer que la couverture des territoires a évolué avec l’arrivée de l’ADSL. Il n’est pas nécessaire de remonter au XIXe siècle pour constater que la connexion de 512 kilobits par seconde était déjà une première révolution, sans parler du haut débit avec une connexion à 2 mégas. Or lorsque Bruno Sido et moi-même avons présenté des textes sur le sujet, nous avons entendu ici certains spécialistes s’interroger sur la raison d’être d’une connexion de 4 mégas. Tout cela n’est pas si vieux !

L’arrivée de la fibre optique a tout chamboulé. C’est le début de la concurrence entre les différents opérateurs. À partir de ce moment-là, les publicités ont fleuri, proposant des offres à 100 mégas à 29, 90 euros.

Nous assistons donc à une évolution, pour ne pas dire à une révolution, technologique permanente, ce qui m’incite – bien modestement –, pour avoir porté un certain nombre de textes sur le sujet et présidé la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, à appeler votre attention sur les risques que nous courons à fixer des objectifs pour les dix ans, les quinze ans ou les vingt ans à venir.

Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer mon propos. Avez-vous souvent entendu dire que, avec la 4 G, nos tablettes ou nos téléphones mobiles auront une capacité de 30 à 50 mégas ? Pour ma part, je l’entends assez peu souvent, sauf chez les initiés qui évoquent la télévision mobile personnelle ou la transmission d’images. À ce propos, M. Dubois a indiqué à juste titre que la transmission de l’imagerie était indispensable à la couverture médicale de notre territoire.

J’en arrive à un sujet de réflexion.

Monsieur Maurey, la Commission supérieure s’est permis d’établir une petite synthèse de votre rapport, que je tiens à votre disposition. Je salue d’ailleurs un constat qui a demandé certainement beaucoup d’énergie et de temps. Celui-ci présente l’avantage, me semble-t-il, de nous permettre de nous diriger vers l’élaboration d’une proposition de loi. Ce texte réglera certainement une partie des problèmes. Toutefois, pour avoir vécu un certain nombre d’évolutions, je pense que le moment est venu de réexaminer les lois qui ont trait à l’importante question de la richesse économique et du développement de notre territoire ainsi qu’à l’amélioration du confort de vie de nos concitoyens.

Je le rappelle, si un service public reste un service public, le service universel, c’est l’égalité de traitement des citoyens sur tous les points du territoire. Sommes-nous capables de rouvrir la discussion sur le service universel du haut débit ?

Je rappelle également que l’opérateur historique a une obligation de service universel en matière de couverture de téléphonie fixe, mais avec un réseau cuivre. Il se trouve que, au Japon, on a demandé à l’opérateur historique de remplacer le cuivre par de la fibre sur 80 % du territoire, en contrepartie d’une prolongation de sa situation de monopole sur plusieurs années.

Concernant la couverture du territoire, je vous conseille de suivre de temps à autre les dossiers de l’ARCEP. Je fais référence à l’interview de Philippe Distler, le directeur général de l’ARCEP, qui a évoqué un certain nombre de points de bon sens et a rappelé certaines réalités dans son dernier rapport.

Le premier est que la fibre optique pose non pas un problème de coût, mais de revenu. Aux États-Unis, par exemple, le raccordement coûte 80 euros. Aujourd’hui, on peut assurer la couverture de tout le territoire en fibre optique. Malheureusement, nous sommes entrés dans une logique concurrentielle, qui consiste à faire baisser en permanence, jusqu’à 29 euros, voire moins, le coût du raccordement à des réseaux de très haut débit.

Monsieur le ministre, faut-il imposer un coût de 70 euros ou de 80 euros dans notre pays ? En tout cas, on pourrait interdire le fait de descendre les prix en dessous d’un certain seuil, assorti d’une obligation d’investissement pour les opérateurs.

Si l’on peut certes établir des comparaisons avec l’électrification de la France au XIXe siècle, veillons à rester nuancés en précisant que le coût actuel du déploiement des réseaux est dû pour 10 % à la fibre optique et pour 90 % au génie civil. Quand le service universel de l’électricité a été développé sur notre territoire, l’enfouissement des lignes n’était pas imposé en même temps.

Soyons clairs, car un certain nombre de choses doivent être dites dans ce débat, les collectivités locales ont payé pendant des années l’enfouissement des réseaux de télécommunications. Aujourd’hui, la grande question peut de nouveau être posée : la séparation fonctionnelle est-elle une solution pour une plus grande transparence, une meilleure utilisation et une couverture optimale du territoire ?

Je voudrais maintenant évoquer une question qui me paraît importante. La couverture du territoire requiert en effet une complémentarité du public et du privé. Elle réclame en outre d’être attentif en permanence à l’évolution des technologies, qui permettront peut-être demain, à un coût moindre, d’installer le haut débit, voire le très haut débit dans certains secteurs.

Enfin, je terminerai sur une note un peu plus locale, en complément de ce qu’a dit Jean-Paul Amoudry.

Dans un certain nombre de départements, tels que la Haute-Savoie, certaines activités ont besoin de réseaux particuliers pour se développer, car elles sont dispersées sur le territoire. Dans ce domaine, évitons les comparaisons et sachons raison garder. Les grandes industries se sont développées dans d’autres pays en s’installant à proximité des lieux de production de l’électricité.

Aujourd’hui, il est nécessaire de dire que, dans les départements de montagne, notamment, les activités économiques ont besoin de bénéficier d’une priorité de raccordement. C’est pourquoi la méthode qui consiste à laisser aux opérateurs le soin de déterminer le calendrier de raccordement à la fibre optique est mauvaise. Cette approche ne permet pas une égalité de traitement sur tout le territoire.

Je reprendrai à mon compte les propos tenus vendredi dernier par M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire : il appartient bien à l’État, après l’électricité, les routes et les autoroutes, d’être le péréquateur de ce nouvel aménagement du territoire. Aujourd’hui, on a un peu abandonné les autoroutes de l’information, qui sont pourtant de la compétence de l’État. C’est à lui de savoir si ces opérations doivent être réalisées dans le cadre de partenariats public-privé, mais n’obligeons pas les collectivités locales, sous la pression de nos concitoyens, à engager des sommes considérables à un moment où tout le monde cherche à faire des économies. La péréquation nationale me paraît indispensable !

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