Intervention de Bruno Sido

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la couverture numérique du territoire, amendement 25

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Hervé Maurey pour son excellent rapport, qui dresse à la fois un état des lieux et trace des perspectives pour l’avenir.

Le déploiement de la fibre optique constitue en effet un très vaste chantier, et je remercie M. le ministre de s’y être attelé. Mais la tâche est ardue et le coût non négligeable, tandis que les demandes sont pressantes.

Mon département, la Haute-Marne, a pris la décision d’offrir ce service haut débit à la population sans attendre l’intervention de l’opérateur historique ou de ses concurrents. Nous avons donc commencé à poser en régie la fibre optique : mille kilomètres dans un premier temps.

Cette politique commence à porter ses fruits, et l’impatience de ceux qui ne sont pas encore servis grandit au fur et à mesure que ce déploiement se réalise.

Mais le comble de l’impatience – ou peut-être devrais-je dire de la mauvaise humeur – concerne la couverture en téléphonie mobile. Tel est précisément l’objet de mon intervention.

En effet, le 8 décembre 2010, dans le cadre de l’examen par le Sénat de la proposition de loi Marsin relative aux télécommunications, j’ai eu le plaisir et l’honneur de déposer un amendement pour améliorer le niveau de couverture en téléphonie mobile des zones rurales. En effet, à l’instar de M. Pintat, j’ai constaté qu’il subsistait d’importantes difficultés sur le territoire. Mes chers collègues, vous m’avez honoré de votre confiance en votant cet amendement à l’unanimité. Depuis, le texte a été adopté en première lecture par le Sénat, puis transmis à l’Assemblée nationale le 29 avril 2011.

Monsieur le ministre, puis-je vous demander quand ce texte sera examiné par l’Assemblée nationale et appeler votre attention sur la nécessité d’améliorer rapidement la situation de nos concitoyens en milieu rural ? Pour dire les choses plus abruptement, les ruraux en ont assez d’être traités comme des citoyens de seconde zone en matière de téléphonie mobile. Ils attendent de leurs parlementaires un engagement fort pour que l’expression « aménagement du territoire » n’existe pas seulement dans les discours mais se traduise aussi sur le terrain, concrètement, au quotidien.

Ayant nettement ressenti leur malaise au cours de ma campagne sénatoriale cet été, j’ai pris l’engagement de porter leur voix dans cet hémicycle, ce que je fais aujourd’hui. Mais le sujet ne date d’ailleurs pas d’hier, et nous y travaillons d’arrache-pied depuis dix ans, avec Pierre Hérisson et bien d’autres.

Certes, beaucoup a été fait, et je suis le premier à le reconnaître. Au cours de la session 2002-2003, par exemple, notre assemblée m’a fait l’honneur de voter à une très large majorité une proposition de loi relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération.

Comment atteindre un tel objectif ? Par la mise en œuvre prioritaire de prestations d’itinérance locale entre opérateurs.

Au mois de juillet 2003, un accord a été signé entre l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France et le Gouvernement : pour distinguer les zones couvertes des zones blanches, nous avons retenu comme critère la réception dans les centres-bourgs, face à la mairie et à l’extérieur.

Cet accord a permis un développement de la couverture mobile, en trois phases successives.

La première, financée par la puissance publique – départements, régions, État, Union européenne –, a permis d’installer 50 % des pylônes nécessaires, c’est-à-dire 1 000 ou 1 200 pylônes – je ne me souviens plus du chiffre exact.

La deuxième phase – il faut le rappeler, car on l’oublie trop souvent – a été réalisée par les opérateurs et financée par une baisse du montant de la redevance prélevée sur ces derniers.

La troisième phase, qui est quasi-achevée, permet de traiter les communes dites « non couvertes », qui n’étaient pas encore desservies et qui sont encore au moins trois cents, en récupérant et installant les pylônes non utilisés lors des première et deuxième phases.

Aujourd’hui, nous sommes en 2011 ; huit ans ont passé depuis l’accord de 2003. Le critère retenu alors, à savoir la réception à l’extérieur, n’est plus pertinent. Selon l’ARCEP, il a permis de couvrir 99, 8 % de la population. Or cette donnée me semble erronée. Je veux bien admettre que 99, 8 % des personnes qui utilisent leur mobile en centre-bourg et face à la mairie disposent d’une couverture réseau, mais, dans nombre de communes qui sont considérées comme couvertes, il s'agit là d’un des seuls points où la réception est effective. Dès que l’on s’éloigne de la mairie, on ne capte plus !

Si l’on retient le pourcentage précité, seules 100 000 personnes ne bénéficient pas de la téléphonie mobile. En réalité, plus d’un million de nos concitoyens – et encore, ce chiffre est tout à fait sous-estimé à mon avis – en sont privés. Je le constate tous les jours dans le département de la Haute-Marne dont je suis l’élu et qui, pourtant, n’est pas si mal couvert.

Voilà pourquoi j’ai souhaité, en déposant en décembre 2008 un amendement n° 25 à la proposition de loi relative aux télécommunications de M. Daniel Marsin, que l’on vive enfin avec son temps et que toute la population française ait enfin accès à la téléphonie mobile !

Pour que cette ambition devienne réalité, la situation doit évoluer, dans la sérénité naturellement, mais en sachant, si besoin est, contraindre par la loi les opérateurs.

Mes chers collègues, n’oublions pas que, parfois, « entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Cette puissante formule de Lacordaire s’applique à mon sens à tous les territoires que les opérateurs jugent insuffisamment rentables pour y réaliser les investissements nécessaires. Et je parle non pas des zones grises, bien entendu, mais seulement des zones blanches.

Dans le cadre de la réalisation des schémas d’itinérance et de partage des infrastructures, le Parlement doit veiller à ce que les opérateurs respectent les obligations que la loi leur impose.

Or force est de constater qu’ils ne se sont pas lancés avec enthousiasme – c’est le moins que l’on puisse dire ! – dans la réalisation de ce schéma. C’est uniquement contraints et forcés qu’ils ont avancé, et encore de mauvaise grâce si j’en crois les résultats de nombreuses mesures effectuées par l’ARCEP sur le terrain. Ils se trouvent en permanence à la limite de ce qui est acceptable eu égard aux sujétions imposées par le législateur.

C’est pourquoi je propose que nous décidions de réviser la méthodologie des mesures attestant du niveau de couverture des différentes zones. Comment peut-on considérer qu’un territoire est couvert lorsqu’une seule barre apparaît sur le témoin de réception des mobiles, ce qui signifie que ces derniers ne bénéficient que d’un cinquième du plein débit ? Il devient urgent d’achever enfin la couverture du territoire en téléphonie de deuxième et troisième générations.

Enfin, mes chers collègues, je rappelle que, aux termes de l’accord conclu avec les opérateurs, ces derniers devaient remettre un rapport annuel sur chaque pylône installé dans le cadre des schémas d’itinérance ou de partage des infrastructures, pour indiquer si celui-ci était, ou non, rentable. Malgré cet engagement, les rapports n’ont jamais été transmis – à tout le moins, ils ne sont jamais parvenus au modeste parlementaire que je suis. Aujourd’hui, nous attendons toujours ces informations, avec une impatience redoublée.

Pour conclure, monsieur le ministre, tout en vous remerciant, je vous demanderai de bien vouloir nous indiquer quand l’Assemblée nationale examinera cet amendement adopté à une large majorité par le Sénat.

En effet, il me semble que nos concitoyens attendent de nous ce type d’avancées concrètes améliorant leur quotidien.

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