Intervention de Éric Besson

Réunion du 12 octobre 2011 à 14h30
Débat sur la couverture numérique du territoire

Éric Besson, ministre :

La saisine de l’Autorité de la concurrence par la commission de l’économie apportera un éclairage utile à cet égard. Je vous indique néanmoins que le Gouvernement avait déjà saisi l’Autorité de la concurrence et que, le 17 mars 2010, celle-ci avait rendu un avis favorable sur le programme national « très haut débit ».

La deuxième raison pour laquelle le développement de l’investissement public dans les zones où les opérateurs privés déploieront leurs réseaux me semble être une erreur est que cela conduira à la duplication des réseaux, puisque des projets publics et des projets privés seront menés en parallèle. Le coût sera donc largement supérieur aux 25 milliards d’euros prévus.

La troisième raison est que, si l’on souhaite éviter cette duplication, il faudra instaurer une priorité de l’investissement public sur l’investissement privé. Il faudrait donc remettre en cause la liberté d’installation des réseaux, qui est inscrite dans la loi, et empêcher le déploiement de réseaux par les opérateurs. Interdire l’investissement privé pour préserver des projets publics est contraire, me semble-t-il, à tous les principes de notre économie. Cette proposition conduirait à une forme de nationalisation du réseau d’accès à internet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous alerter sur les risques de ce modèle : rappelons-nous l’échec du plan câble ou celui du Minitel, qui n’était ouvert ni à la concurrence ni à l’innovation.

C’est précisément l’ouverture à la concurrence et, j’y insiste, une régulation avisée qui ont permis l’essor de l’internet haut débit, en France comme partout dans le monde.

J’attire votre attention sur ce point : l’ensemble du cadre réglementaire et financier est aujourd’hui en place pour le déploiement du très haut débit en France.

Sa mise en place a été longue, je le sais, mais nous réalisons un chantier sans précédent : le téléphone avait été déployé en France en cinquante ans par un opérateur public en situation de monopole. Nous sommes en train de remplacer l’intégralité de cette boucle locale par de la fibre optique en à peine quinze ans et avec la participation de quatre opérateurs nationaux et de dizaines d’opérateurs locaux. Avoir mis en place ce cadre indispensable ne veut pas dire que nous ne sommes pas à l’écoute des collectivités, loin de là.

Arrêtons, en France, de nous auto-flageller en permanence !

Nous bénéficions d’ores et déjà des premières retombées de ce programme.

Le FTTH Council a identifié la France comme le pays européen où le nombre d’abonnés au très haut débit a le plus progressé, avec 550 000 abonnés et une croissance de 50 % par an.

La France est le premier pays européen en termes de foyers éligibles au très haut débit, avec plus de 5 millions de foyers éligibles, et nous bénéficions d’une croissance du nombre de logements fibrés de 33 % par an.

Nous sommes largement en avance sur les autres grands pays européens. En Allemagne, pays avec lequel il est bon de se comparer en permanence, 600 000 logements sont raccordés au très haut débit et 120 000 foyers sont abonnés. Au Royaume-Uni, seuls 500 000 logements sont éligibles et 500 foyers sont abonnés.

Pour autant, je n’en disconviens pas, monsieur Maurey, nous ne sommes pas – et ce n’est pas ce que je suis en train de dire – les champions du monde tous domaines confondus ! Vous avez cité, à juste titre, quelques pays qui sont en avance par rapport à nous, comme l’Australie, la Corée et le Japon.

Cependant, comme cela a été esquissé tout à l’heure, deux sortes de pays sont en avance sur la France : d’une part, ceux qui, comme l’Australie, ont créé un monopole public et lui ont attribué des dizaines de milliards d’euros de subventions publiques, voie qu’à ma connaissance nul ne suggère de prendre en France, où nous n’avons ni le même potentiel financier actuellement, ni les mêmes caractéristiques en termes d’aménagement du territoire ; d’autre part, ceux qui, comme la Corée ou le Japon, ont des densités urbaines parmi les plus élevées du monde, et qui, certes, ont su faire les choix d’innovation et d’investissement nécessaires, mais qu’il est plus facile d’équiper rapidement qu’un pays comme le nôtre.

Le Gouvernement, je l’ai dit, est attentif aux inquiétudes des collectivités, à la nécessité d’un dialogue permanent avec les opérateurs et aux demandes des consommateurs.

Les chiffres doivent nous encourager à poursuivre nos efforts afin que la France et l’ensemble de ses territoires entrent de plain-pied dans l’ère du très haut débit, avec, j’y insiste, les opérateurs.

Bien sûr, tous, nous devons « bousculer » nos opérateurs, leur assigner des objectifs élevés, mais, dans le même temps, nous avons besoin, en France comme dans d’autres pays, d’opérateurs puissants.

Les investissements qu’ils vont réaliser, que ce soit dans la téléphonie mobile ou dans la fibre optique, sont indispensables : il n’y aura pas de numérique fort en France avec des opérateurs faibles !

Notre objectif est clair, et il est partagé par tous ici : le très haut débit fixe et mobile pour tous. Croyez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a les mêmes ambitions que celles que vous avez assignées à l’exécutif, cet après-midi, au cours de ce débat de qualité dont je vous remercie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion