Nous voici donc à la fin d'un débat dans lequel, monsieur le rapporteur, vous aurez été bien seul.
Le débat sur La Poste méritait de la part de la majorité sénatoriale une plus grande présence ; mais nos collègues furent muets quand ils n'étaient pas absents.
En première lecture, les sénateurs socialistes s'étaient opposés à un projet de loi qui institue une dérégulation généralisée du secteur postal, destinée, de par une volonté quelque peu dogmatique, à faciliter l'arrivée de nouveaux opérateurs postaux sur le marché national, bien au-delà - nous y insistons - de ce qu'exige la législation européenne et, bien sûr, au détriment du service public et d'une entreprise chère à nos concitoyens : La Poste.
A l'issue de cette deuxième lecture, nous n'avons, à notre grand regret, aucune raison de changer de position.
Vous n'avez pas voulu écouter la voix des territoires, la voix des élus de toutes sensibilités, la voix de ces maires dont une délégation assistait hier à nos travaux, la voix de ces personnes qui s'inquiètent de voir jour après jour les services publics quitter leurs territoires. Vous aurez à vous en expliquer sur le terrain.
Nous avons présenté une cinquantaine d'amendements, pour la plupart des amendements de fond, visant à construire une régulation postale différente de celle que vous défendez, visant à proposer un autre cadre pour la définition de l'exercice des missions de La Poste. Nous voulons respecter l'esprit des directives européennes qui est, je le rappelle, de mettre en place un service postal de qualité qui ne soit pas un service minimum, mais qui s'exerce dans le cadre d'une ouverture maîtrisée à la concurrence, ce dont vous ne voulez pas.
Je prends acte de nos divergences de fond.
Seuls trois de nos amendements ont été adoptés.
Le premier est relatif aux recommandés. Vous avez voulu banaliser ce service, ce que nous regrettons. Nous avons néanmoins obtenu que cette activité soit soumise à autorisation. C'est une avancée pour nous importante qui, je l'espère, permettra d'accréditer des prestataires sérieux et fiables.
Le deuxième amendement portait sur les compétences des commissions départementales de présence postale. Le Sénat a avalisé le principe que leur avis soit pris en compte pour arrêter les règles d'accessibilité au réseau postal. C'est aussi un point très important, à condition, bien sûr, que les élus siégeant au sein de ces commissions jouent pleinement leur rôle.
Sur notre proposition, il a été décidé que la commission départementale aurait la possibilité de répartir la part du fonds de péréquation qui sera affectée à leur département.
Le troisième amendement permet de faire entrer au conseil d'administration de La Poste un représentant des maires. Le rôle de La Poste en matière d'aménagement du territoire est ainsi consacré, et cette préoccupation, essentielle, pourra être défendue au sein des plus hautes instances de l'établissement.
Nous regrettons profondément que, sur deux dossiers majeurs, vous soyez restés droit dans vos bottes.
Il s'agit, tout d'abord, de la présence postale. La règle des 10 % et des cinq kilomètres, qui a été introduite à l'Assemblée nationale, a été maintenue, alors que nous avons montré par des exemples concrets ses effets pervers et ses risques. La petite modification apportée avec les vingt minutes de trajet automobile n'y changera rien : ce sont 3 000 à 4 000 points d'accueil qui vont pouvoir être légalement fermés ou déclassés.
Vous n'avez pas voulu prendre en compte la spécificité des territoires ruraux les plus fragiles, des zones de montagne, des quartiers en difficulté dans les villes. Vous mettez en place un service public à deux vitesses : des bureaux de poste disposant de tous les services dans les zones rentables et, dans les autres zones, des agences postales communales, au mieux, des points Poste chez les commerçants, avec des services au rabais, au pire.
Vous avez également refusé nos amendements visant à financer vraiment de manière solidaire et pérenne le maintien de bureaux de poste sur l'ensemble du territoire.
Vous organisez le déménagement du territoire et vous ne proposez qu'un fonds de péréquation, ...sans fonds ! Il s'agit en fait de ponctionner de nouveau les ressources de La Poste, alors même qu'elle supporte déjà de trop lourdes charges indues.
Nous ne pouvons donc vous suivre s'agissant de la présence postale territoriale.
Pour ce qui est de la banque postale, nous avons proposé plusieurs amendements visant à éviter le démantèlement de La Poste et à garantir son unité.
Pour nous, cela passait par la mobilisation autour d'un bon projet : une banque publique, dont La Poste détiendrait 100 % du capital ; une banque respectueuse du droit bancaire et possédant cette possibilité, importante pour un tel établissement, d'offrir toute la gamme des services financiers, notamment les prêts à la consommation ; une banque en mesure de proposer le service bancaire universel, grâce à la mise en oeuvre du financement de ce nouveau service.
Or vous avez balayé tout cela d'un revers de la main.
Enfin, cerise sur le gâteau, avec l'adoption de votre amendement à l'article 2 bis, monsieur le rapporteur, vous signez l'arrêt de mort de La Poste en tant qu'entreprise de service public, puisque vous généralisez ainsi la possibilité, pour l'opérateur, de recruter des contractuels de droit privé.
Aujourd'hui, c'est le statut du personnel qui est remis en cause ; demain, ce sera celui de La Poste.
Tout est clair : ici encore, la marche vers la privatisation a commencé.
Or, de ce schéma que vous proposez, nous ne voulons pas. Nous voterons donc contre un projet de loi véritablement « posticide », pour reprendre l'expression employée par certains personnels de La Poste, contre un texte qui ne donne pas à cette entreprise les chances qu'il revenait à la représentation nationale, et tout particulièrement au Sénat, de lui donner.