Intervention de Michel Billout

Réunion du 10 mars 2005 à 10h30
Régulation des activités postales — Vote sur l'ensemble

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

...vous avez, une nouvelle fois, montré votre volonté de livrer le service public aux intérêts du capital, cédant au dogme imposé par la Commission européenne et par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous nous disiez hier qu'on ne pouvait s'opposer aux points Poste uniquement par idéologie. Mais de quoi d'autre s'agit-il dans votre réforme sinon de l'application primaire des principes ultralibéraux, qui ont pourtant, on en a des exemples tant au niveau européen qu'au niveau national, démontré leur contre-performance économique et sociale ?

Dans l'application de ces principes, vous vous montrez particulièrement zélé, en allant nettement plus loin que ce qu'imposent les directives communautaires.

Aujourd'hui, c'est bien la disparition programmée du service public postal dont il est question, alors même que La Poste est un pilier fondamental de l'unité de la République française, le symbole de l'intérêt général territorialisé.

Sans revenir sur l'ensemble de nos débats, je voudrais insister sur quelques points que je juge particulièrement néfastes.

Il s'agit, premièrement, du désengagement de l'Etat quant à ses missions d'aménagement du territoire et à son rôle de garant de la cohésion nationale. Or la présence d'un bureau de poste de plein exercice dans les communes rurales comme dans les quartiers sensibles est un atout inestimable pour les populations, qui ne peut se mesurer à l'aune de la rentabilité marchande.

Il s'agit, deuxièmement, de la création d'un établissement de crédit postal, filiale de La Poste, dont la vocation est d'être, selon toute vraisemblance, privatisé rapidement.

Cette création remet directement en cause l'existence d'un service public bancaire qui permet non seulement de lutter contre l'exclusion en offrant les mêmes prestations à tous, mais aussi de contenir l'envolée des taux bancaires.

Il s'agit, troisièmement, de la question du financement du service public, qui n'a été que très partiellement évoquée, et certainement pas résolue.

Toute forme de péréquation nationale est finalement renvoyée aux collectivités locales, par le biais de la création du fonds postal national de péréquation territoriale, qui sera pourtant très insuffisamment financé par le seul abattement sur les taxes locales dont bénéficie La Poste.

Parallèlement à la création immédiate d'un tel fonds de compensation, obtenue au cours des débats, rien n'a été prévu quant à ses ressources. Pas une seule fois vous n'avez évoqué concrètement la proposition d'une contribution acquittée par les opérateurs privés, qui ne sont pourtant soumis à aucune obligation de service public.

Pour le dire plus clairement, vous ne recherchez pas les financements du service public là où se trouvent les richesses, préférant remettre à plus tard la question du financement du fonds de compensation.

Il s'agit, quatrièmement, de la restructuration du réseau postal, qui, par la multiplication des agences postales communales et des points Poste, crée une rupture dans l'égalité de traitement des usagers du service public.

Nous ne pouvons être satisfaits de ce service public a minima que vous nous proposez, car de telles structures ne pourront répondre aux besoins concrets de la population.

Il s'agit, cinquièmement, de la création d'une autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Là aussi, cela correspond à un désengagement clair de l'Etat, qui préfère confier à des experts le soin de réguler le marché postal, s'agissant notamment de la fixation des tarifs du secteur réservé.

Ce désengagement est aussi caractérisé par votre volonté de renvoyer à un décret pris en Conseil d'Etat la définition même des caractéristiques du service universel.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi.

En ouvrant à la concurrence le secteur postal, vous privatisez les profits et socialisez les pertes. En conséquence, La Poste ne pourra pas assumer ses obligations de service public, tandis que les nouveaux entrants trouveront de cette manière une nouvelle source de bénéfices. La péréquation entre les différentes activités de la Poste était pourtant le gage de sa capacité à financer le service public.

Mais la page n'est pas tournée en même temps que ce débat prend fin. Il y aura d'autres rassemblements d'élus comme celui de samedi dernier à Guéret, et d'autres grandes journées d'action des salariés, comme celle d'aujourd'hui.

Malgré vos efforts pour revenir sur tous les fondements de notre société, vous ne pourrez parvenir durablement à convaincre la population de la nécessité de supprimer les services publics et d'accepter la loi du marché comme seul fondement de la vie de la cité, sous prétexte de moderniser la France.

Nous aussi, nous souhaitons que les services publics évoluent, mais dans le sens d'une plus grande qualité et d'une meilleure prise en compte des besoins des populations, de toutes les populations.

C'est dans ce sens que nous nous engageons dans la campagne contre le projet de Constitution européenne, ...

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