Que dire encore de la possibilité, pour des personnes physiques, de déduire de l'ISF, dans la limite de 50 000 euros, les sommes qu'elles investissent dans leur propre PME ? Sinon que l'extension de ce dispositif prévu par la loi TEPA n'est, là encore, qu'une nouvelle mesure visant à remettre en cause le régime de l'ISF et à accroître fortement les possibilités de s'en exonérer, alors que les chefs d'entreprise concernés en sont déjà dispensés au titre des biens professionnels ! Et il n'est pas très correct de se verser à soi-même, pour son propre bénéfice, une somme que l'on devrait acquitter au titre de l'impôt !
Que dire aussi d'une fiscalité allégée pour les ménages les plus aisés, coûteuse pour l'État ? L'allégement de la fiscalité des dividendes d'actions permet aux contribuables de se soumettre à un prélèvement libératoire à la source de 16 %, porté à 18 % par l'Assemblée nationale, plutôt qu'au barème de l'impôt sur le revenu.
Que dire, enfin, du maintien du crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts des prêts contractés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale, modifié pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel ? Nous le savons - nous l'avons déjà dit au mois de juillet dernier et cela a été confirmé ce matin -, ce dispositif aura pour effet pervers un renchérissement du prix de l'immobilier et une restriction de l'offre. Le résultat sera donc contraire au but recherché !
Face à ces mesures, le pouvoir d'achat de nombreux bénéficiaires de la prime pour l'emploi, la PPE, devrait se réduire en 2008 en raison des contradictions internes liées à l'indice des prix, à la hausse des prélèvements sociaux, aux déremboursements de médicaments, aux bien mal nommées « franchises » médicales et à la perte éventuelle du bénéfice de la PPE causée par la nouvelle réglementation des heures supplémentaires !
J'en viens maintenant aux dépenses.
Dans ce projet de budget, tous les ministères sont touchés par la rigueur, mis à part, nous dit-on, l'enseignement supérieur et la recherche. Mais il ne faut pas exagérer les faveurs affichées pour ce ministère !
Les faibles marges de manoeuvre budgétaire seront absorbées, dans leur quasi-totalité, par les charges « contraintes » que constituent les intérêts de la dette et les pensions des fonctionnaires. Les dépenses de fonctionnement vont marquer le pas. La suppression de 23 000 postes de fonctionnaires n'entraînera, vous le savez bien, monsieur le ministre, qu'une économie limitée.
Dans le secteur de l'emploi, le nombre des emplois aidés va diminuer, et le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise est supprimé !
Dans le domaine de l'environnement, aucun crédit de l'État n'a été prévu pour mettre en pratique le fameux Grenelle de l'environnement !
S'agissant de la justice, que l'on dit favorisée, la priorité affichée n'est qu'une apparence, dans un contexte général de diète ! Et je ne parle pas de la fameuse réforme de la carte judiciaire qui soulève les remous que vous savez.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en présence d'un projet de budget qui n'est pas sincère !
Ce projet de loi de finances est un texte intermédiaire entre ce que le Parlement a voté en juillet 2007 et ce qu'il devra voter au printemps 2008, à savoir ce que le Gouvernement nous cache actuellement : les mesures de rigueur que ce dernier sera conduit à mettre en oeuvre, sans doute après l'échéance des élections municipales et cantonales !
Le Gouvernement est pris en tenaille entre les promesses électorales de Nicolas Sarkozy, la crise financière et la situation réelle du pays.
Le paquet fiscal voté en juillet 2007 est un « OFNI », c'est-à-dire un objet fiscal non identifié ! C'est un programme fiscal qui ne relève ni d'une politique de l'offre ni d'une politique de la demande ! Il engendrera un manque à gagner fiscal, véritable boulet que l'État traînera tout au long de l'année 2008, comme au cours des années suivantes, et qui n'aura aucun effet de levier sur la politique économique !
Le projet de loi de finances pour 2008 n'est pas un acte fort qui va engager des politiques publiques. Les finances publiques vont, hélas ! poursuivre leur dégradation !
Le scénario de 2002 risque de se répéter. Cette année-là, le Gouvernement avait réduit l'impôt sur le revenu, mesure qui, comme le paquet fiscal adopté en juillet 2007, n'était ni financée ni gagée : on connaît la suite !
Cette politique a échoué : les comptes publics se sont dégradés du fait de dépenses qui ont pesé, année après année, sur le budget de l'État, tandis que le Gouvernement n'a pas non plus réussi à redresser les comptes de la sécurité sociale.
La dette a progressé de 8 points de PIB en cinq ans, en raison de dépenses excessives, mal ciblées et qui pèsent inévitablement sur les comptes non seulement de l'année en cours, mais aussi des années suivantes.
La croissance dépend de la conjonction entre la progression de la consommation des ménages, l'augmentation de l'investissement des entreprises et un commerce extérieur au minimum équilibré. Or la loi TEPA de juillet 2007 et le projet de loi de finances pour 2008 ne peuvent assurer cette conjonction.
La consommation des ménages ne devrait pas être plus forte en 2008 qu'en 2007, surtout sans réévaluation du SMIC et de la prime pour l'emploi au-delà du niveau de l'inflation. De même, la disposition relative à la défiscalisation des heures supplémentaires ne devrait pas avoir plus de conséquences que cela puisque le Gouvernement lui-même estime qu'il n'y en aura pas davantage en 2008 qu'en 2007 !
L'augmentation de la consommation des ménages ne sera donc pas plus de nature à redresser l'économie dans les proportions supposées par le Gouvernement qu'à réduire la dette, financer les réformes ou assurer la trésorerie des fins de mois de l'État. Pour cette raison, ce dernier en est réduit, en ce qui concerne par exemple les contrats de plan, à demander aux régions de payer à sa place !
Quant à la crise financière partie des États-Unis, elle devrait entraîner, en France comme ailleurs, un durcissement du crédit. Dans un tel contexte, les entreprises risquent fort de ne pas investir suffisamment pour stimuler la croissance, d'autant qu'aucune disposition n'est prévue dans ce projet de budget pour infléchir cette évolution !
Ce projet de budget est donc incohérent et inconséquent, car il ne traduit aucun choix : le Gouvernement ne choisit pas entre une politique de l'offre et une politique de la demande. Ces deux politiques ont leurs avantages et inconvénients respectifs, certes, mais il est un fait que le projet de loi de finances pour 2008 ne favorise ni le pouvoir d'achat ni l'investissement.
Comme en 2002, le Gouvernement n'a pas tiré, en 2007, les conclusions des textes adoptés cet été dans l'urgence.
Ce projet de budget s'avère inconsistant.
La croissance prévue est quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro. Cependant, ces cinq dernières années, la croissance française a systématiquement été inférieure de 0, 8 à 1 point de PIB à la moyenne de la zone euro.
Par quel tour de magie l'écart de croissance entre la moyenne de croissance de la zone euro et la croissance française serait-il soudain de 0, 05 point l'année prochaine quand il a été de plus ou moins 1 point ces cinq dernières années ?
Quelles mesures du projet de loi de finances pour 2008 ou quelles dispositions prises auparavant - je veux parler de la loi TEPA - pourraient-elles expliquer la réduction soudaine de l'écart entre la croissance française et la croissance moyenne de la zone euro ? Il n'y aura pourtant ni hausse du pouvoir d'achat ni investissement supplémentaire dans les entreprises ; le commerce extérieur continuera à se dégrader, les conditions du crédit se durciront, la parité entre l'euro et le dollar est souvent défavorable aux exportations et le prix du baril de pétrole ne devrait pas baisser !
Faute de revenir sur des dispositions non financées, non gagées et qui lestent les finances publiques dans des conditions insupportables, le Gouvernement sera vraisemblablement contraint de mettre en oeuvre un plan de rigueur dans le courant de l'année 2008, le déficit de l'État risquant fort d'être plus important que prévu.
Il n'est pas convenable que les Français ne soient pas honnêtement avertis de ce qui les attend pour pallier les inconséquences coupables du Président de la République et de son gouvernement.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas le projet de budget qui nous est présenté.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je vous poserai, en guise de conclusion, une question précise liée à l'actualité : ce projet de budget vous permettra-t-il de répondre aux attentes des fonctionnaires ?