Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, l'INSEE a publié une étude intitulée France, portrait social.
Le journal Le Figaro, dont on sait l'attachement à défendre la politique actuellement en oeuvre, titrait, pour rendre compte de ce travail : « La réduction des inégalités marque une pause ».
Le journal Le Monde, quant à lui, à propos de la même étude, résumait son avis par ce titre : « En France, la réduction des inégalités s'est essoufflée ». Il citait quelques éléments de cette étude : « Les trois premières années du quinquennat de Jacques Chirac, celles du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, occupent une place singulière dans l'histoire sociale récente de la France : elles ont coïncidé avec un essoufflement, et parfois une interruption, du mouvement de réduction des inégalités constaté depuis 1996. Tel est l'un des principaux enseignements de l'édition 2007 de France, portrait social ».
Mme Christine Chambaz, qui a dirigé cette étude, est très claire : « Nous avons l'impression qu'avec les années 2002-2005 un plateau a été atteint. La réduction des inégalités a ralenti. Le freinage est net. »
L'étude de l'INSEE précise que le niveau de vie moyen des habitants de ce pays est de 1 550 euros par mois et que la médiane se situe à 1 360 euros, c'est-à-dire à peine au-dessus du SMIC.
L'Institut constate que le niveau de vie des 10 % de nos compatriotes les plus modestes a stagné depuis 2002.
Les inégalités de ressources ont également une traduction sensible en termes de patrimoine détenu, puisque les 10 % de ménages les plus aisés ont vu progresser leur patrimoine médian de 40 % entre 1997 et 2003, deux fois plus vite que les autres ménages.
Ainsi donc la société française est-elle aujourd'hui largement marquée par des inégalités de revenus et de fortune, inégalités que des années de politique libérale ont manifestement cristallisées.
Voilà deux ans, en décembre 2005, lors du vote sur le projet de loi de finances pour 2006, nous appelions votre attention sur ces problèmes : « Pour 16, 7 millions de familles, dont le quotidien est fait de difficultés à payer le loyer, parfois à se nourrir, à se cultiver, à faire face aux mille et un besoins de la vie, la baisse de l'impôt sur le revenu n'a aucun sens. Ces familles vivent chaque jour les prix qui augmentent : ceux des transports, de la fourniture d'énergie - que le Gouvernement a autorisés - et la flambée du prix de l'essence. Et voici que l'on réforme nos impôts, mais en oubliant purement et simplement ces 16, 7 millions de familles ! »
Nous disions également, à la même occasion : « Pis même, parce que vous cherchez à réduire sans cesse la dépense publique, comme va encore nous le montrer le collectif de fin d'année, ces familles seront les premières victimes de la réduction de la dépense publique. Moins d'emplois dans la fonction publique, moins d'actions de l'État sur les besoins collectifs, tout cela a une traduction concrète sur le terrain : c'est l'école rurale qui ferme, c'est le bureau de poste qui est remplacé par une annexe de l'épicerie, ce sont les services hospitaliers qui sont remis en cause ! C'est également la route que l'on entretient moins ou plus du tout, ce sont les logements qui ne se construisent pas alors qu'ils sont nécessaires pour répondre aux besoins, ce sont les associations étranglées, notamment celles qui oeuvrent en faveur de l'insertion professionnelle. »
Depuis la loi organique relative aux lois de finances, vous nous invitez à analyser l'efficacité des politiques publiques. Vous allez même jusqu'à vouloir nous cantonner dans un rôle de contrôle, vous essayez de limiter nos possibilités d'amendement, considérant que nous ne devons pas modifier l'architecture du budget présenté par le Gouvernement. Mais ce qui nous intéresse, ce qui correspond à notre rôle de parlementaire, c'est d'analyser quels sont les bénéficiaires des politiques publiques envisagées.
Or, dans les documents budgétaires comme dans le rapport général, rien ne nous permet de nous livrer à une telle étude. Je vous propose donc de regarder un peu la réalité telle qu'elle découle des choix que vous voulez amplifier.
Le nombre de foyers non imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu a subi peu de changements depuis cette année 2005 dont je viens de parler. Si l'on en croit en effet les données fournies par l'administration des finances elle-même, il y a toujours dans notre pays plus de 16 millions de familles qui ne paient pas d'impôt sur le revenu.
Ce qui est vrai, en revanche, c'est que l'orientation politique des budgets comme des lois de financement de la sécurité sociale votées depuis 2002 a contribué à réduire la capacité redistributrice de notre système fiscal et social. D'ailleurs, Le Figaro se sent presque contraint de le souligner en indiquant ceci : « La baisse globale des prélèvements, en particulier de l'impôt sur le revenu, a profité davantage aux plus aisés, alors que les prestations, qui bénéficient aux plus modestes, n'ont que peu augmenté. »
Et pour ne citer qu'un exemple, je prendrai celui des retraites, puisqu'il est à l'ordre du jour. Leur évolution a été particulièrement signifiante depuis les premières réformes qui les ont affectées, celles qui ont été engagées sous le gouvernement Balladur de 1993.
Depuis 1995, le pouvoir d'achat des retraites stagne et même diminue du fait de l'accroissement des prélèvements sociaux pour les retraites moyennes. L'indexation des retraites sur les prix, que vous voudriez imposer à tous dans le cadre de votre réforme des systèmes par répartition, c'est la stagnation, voire la réduction du pouvoir d'achat, c'est la paupérisation des plus modestes. Un million de nos retraités appartiennent aujourd'hui aux ménages placés sous le seuil de pauvreté ! Et il est bien évident que toutes les mesures d'allégement fiscal pour les donations que vous avez renforcées dès cet été dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, ne concernent pas ces foyers !
Cette politique d'allégement de la fiscalité que vous avez décidé de privilégier est d'ailleurs catastrophique pour le budget de la nation. Mais elle vous permet de bien alimenter votre communication sur le déficit de l'État ou encore sur les caisses vides quand ce n'est pas la France en faillite, comme le déclarait voilà quelques mois le Premier ministre.
Tout cela vous permet de justifier la diminution des dépenses publiques, la réduction des services, avec son corollaire de suppressions de près de 23 000 postes dans ce budget 2008. Vous videz les caisses de l'État pour faire des cadeaux aux plus riches et vous demandez aux plus modestes de payer la note ! Aussi, ne soyez pas surpris que le pouvoir d'achat constitue aujourd'hui la préoccupation principale de nos compatriotes.
L'été dernier, j'ai entendu dans cette enceinte, au moment du débat sur la loi TEPA, des déclarations sur la nécessité d'alléger l'impôt de certains, quand, dans le même temps, il fallait vérifier avec beaucoup d'exactitude les aides, pour ne pas dire « les avantages », dont pouvaient bénéficier les RMIstes.
Je vous invite à suivre l'exemple de ce chef d'entreprise italien qui a décidé de savoir comment ses salariés arrivaient à vivre avec un salaire d'environ 1 000 euros. Cela vous aiderait peut-être à mieux comprendre le ras-le-bol qu'expriment tous ceux qui étaient dans la rue mardi dernier. Vous savez bien que les coûts de l'immobilier sont sans commune mesure avec l'inflation, mais vous continuez jusqu'à maintenant à dire aux fonctionnaires que l'on ne peut pas aller plus loin pour leurs salaires !
Le Président de la République doit s'exprimer sur le pouvoir d'achat.
L'hypothèque sur son bien en vue d'obtenir un crédit à la consommation avait été présentée, lors de la campagne électorale, comme une solution envisageable pour l'amélioration du pouvoir d'achat. Nous savons tous ce que cela a donné aux États-Unis.
Ce dont ont besoin en grande majorité les foyers dont je vous ai parlé au début de mon propos, c'est d'un salaire décent pour vivre dignement.
Au cours de ce débat budgétaire, nous vous présenterons des propositions en nous appuyant sur le principe constitutionnel selon lequel chacun doit contribuer aux efforts de la nation en fonction de ses capacités. Je ne sais si elles seront débattues, compte tenu de la nouvelle utilisation qui est faite de l'article 40 de la Constitution, ...