Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrit dans la continuité des politiques menées. Il aggrave les choix opérés.
Si ce projet de loi de finances introduit une rupture, c'est d'abord une rupture du pacte républicain, que les choses soient claires !
Entérinant les mesures prises dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi TEPA - comment comprendre ce cadeau du Gouvernement dans la mesure où les 12 milliards, voire les 15 milliards d'euros du paquet fiscal n'apporteront pas le point de croissance qui nous manque ? -, ce projet de loi de finances comporte une fois encore des mesures exclusivement favorables aux revenus du capital et du patrimoine, ainsi qu'aux intérêts financiers des plus grandes entreprises. Il est une soumission sans conditions à la loi d'airain des marchés financiers.
Quelles mesures de fond contient ce texte ?
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une réévaluation du barème de l'impôt sur le revenu, qui fera porter aux salariés l'essentiel de la majoration de recettes attendue.
Si 5 milliards d'euros de progression spontanée des recettes de l'impôt sont prévus, cela signifie, compte tenu de la place des revenus salariaux dans l'assiette, que l'on va encore ponctionner 3 milliards d'euros sur les revenus du travail, soit bien plus que l'hypothétique bénéfice attendu des mesures sur les heures supplémentaires votées cet été, et 1 milliard d'euros supplémentaires sur les retraites !
Ensuite, comme si cela ne suffisait pas au bonheur de celles et de ceux qui n'ont pas besoin de manifester et de lutter pour que l'on fasse droit à leurs attentes, ce projet de loi de finances contient deux mesures phares.
La première permettra aux personnes disposant de dividendes d'opter pour un prélèvement libératoire les dispensant de s'acquitter de l'impôt sur le revenu aux taux en vigueur dans le barème.
La seconde, qui est contradictoire avec la volonté régulièrement affichée de soutenir l'investissement à long terme dans les entreprises, est l'assouplissement des règles relatives aux pactes d'actionnaires, notamment en matière de succession, de transmission par donation et d'impôt de solidarité sur la fortune.
Franchement, au moment où d'aucuns évoquent également une hausse de la TVA et l'émergence d'une fiscalité écologique pour alléger les cotisations sociales dues par les entreprises, ces deux dispositions constituent-elles la priorité des priorités ?
Et pour faire bonne mesure, on nous propose de supprimer l'impôt de bourse, au moment même où, pour équilibrer le budget, on supprime l'exonération de redevance audiovisuelle pour 700 000 retraités modestes !
Dans notre pays, des centaines de milliers de familles continuent de vivre dans des conditions de logement précaires, quand ce n'est pas sans logement ! À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est l'application de la loi instituant le droit au logement opposable ?
Dans notre pays, les diplômes et les qualifications ne sont pas reconnus à leur juste valeur, ce qui entraîne la dévaluation de nombre de formations en termes de rémunérations !
Dans notre pays, les discriminations les plus diverses, fondées sur des présupposés et des a priori contestables, sont mises en oeuvre chaque jour !
Dans notre pays, près de 9 millions de salariés, notamment dans le secteur privé, sont si chichement payés qu'ils ont droit à la prime pour l'emploi, ce complément de revenu qu'ils financent d'ailleurs en grande partie avec la TVA qui grève leurs achats !
Dans notre pays, on laisse partir les services publics, au nom d'une prétendue réforme de l'État, créant ainsi les conditions de la désertification rurale et de la vulnérabilisation des quartiers dits « sensibles ».
Mes chers collègues, superposez toutes ces réformes : la réforme de la carte judiciaire, les projets de fermeture des services postaux, les conséquences de la fusion des services des impôts avec ceux du Trésor public, les prévisions de fermetures de classes dans les écoles, la fermeture de certaines dessertes de fret ferroviaire, la rationalisation de la carte des équipements hospitaliers. Imaginez ce que cela va donner, notamment pour les départements les plus ruraux de notre pays, éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, mais également, comme nous l'avons souligné, pour les quartiers dits « sensibles » !
Allez ensuite expliquer à vos administrés, aux électrices et aux électeurs de ce pays, que, en toutes circonstances, vous soutenez par votre vote cette politique qui fait dépérir les services publics sous toutes leurs formes. Le citoyen est pourtant légitimement en droit d'attendre de tels services, eu égard aux impôts qu'il paie !
L'actualité montre à quel point ce projet de loi de finances est en décalage absolu avec ce qu'attendent les Françaises et les Français.
Après le discours quasi mystique sur le « possible » tenu pendant la campagne présidentielle, les promesses tardent quelque peu à se traduire dans les faits, et les résistances à ce que vous appelez, de manière scandaleuse, la « réforme » se font de plus en plus fortes.
Depuis plusieurs jours, comme chacun le sait, les salariés de nos grandes entreprises de transport sont mobilisés pour leurs droits sociaux. Mardi dernier, les fonctionnaires ont massivement participé à l'action revendicative, à l'appel de leurs organisations syndicales. Dans de nombreuses entreprises du secteur concurrentiel, on assiste à des mouvements sociaux de vaste ampleur concernant les salaires, l'emploi, les qualifications, les droits. Allez-vous en tenir compte, monsieur le ministre ?
Quelles réponses ce projet de loi de finances apporte-t-il à ceux dont le souci et la volonté - c'est le trait commun à tous ces mouvements sociaux - sont d'être justement rémunérés pour leur travail, première étape de la reconnaissance de la dignité des salariés ?
Des mesures sont-elles prévues en faveur du pouvoir d'achat, à part l'Arlésienne que constitue le « travailler plus pour gagner plus » ?
Aux déficits publics - avec l'accumulation des gaspillages des ressources fiscales, alors que la dépense fiscale est devenue le premier budget de l'État, ils ne sont pas près de décroître ! -, vous vous faites fort d'ajouter aujourd'hui le déficit de réponse aux attentes populaires.
Cette politique conservatrice de défense acharnée des privilèges de la fortune et du capital n'est décidément pas celle dont la France a besoin.
Aujourd'hui, compte tenu des mesures que vous voulez mettre en oeuvre, il s'agit non plus de « travailler plus pour gagner plus », formule chère au Président de la République, mais de « travailler plus et plus longtemps pour gagner moins ».
Vos engagements en matière d'emploi et de pouvoir d'achat sont loin d'être tenus. Vous ne répondez pas aux attentes des Françaises et des Français. Nous ne pouvons donc que combattre le projet de loi de finances pour 2008.