Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 11 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Article 1er

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Cet amendement vise à répondre à l’une des préoccupations majeures que nous inspire ce projet de loi sécuritaire et stigmatisant.

Je rappelle l’objet de nos griefs.

Aux termes de l’alinéa 97, le procureur de la République, soit d’office, soit à la requête du directeur de l’établissement d’accueil ou du préfet, peut demander que l’appel relatif à la décision de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement par hospitalisation complète, prononcée par le juge des libertés et de la détention, soit suspensif.

Le premier président de la cour d’appel, qui « statue par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n’est pas susceptible de recours », décide alors s’il y a lieu de suivre la demande du procureur.

Le mécanisme que prévoit le texte dans sa forme actuelle, et qui consiste à reconnaître au représentant de l’État et au directeur de l’établissement d’accueil un pouvoir d’appel par voie d’injonction au procureur, traduit parfaitement la défiance qu’éprouve le Gouvernement à l’égard des magistrats ; il permettrait un contrôle indirect de la décision rendue par le juge des libertés et de la détention.

Mes chers collègues, mesurez-vous la portée historique que revêtirait l’adoption de cet alinéa ? Une autorité administrative pourrait en effet adresser des injonctions au procureur, ce qui créerait un précédent particulièrement dangereux.

Soyons sérieux : aucun texte en vigueur ne prévoit la possibilité, pour une autorité administrative, d’adresser une demande au parquet dans le cadre d’un appel relatif à une ordonnance du juge des libertés et de la détention. L’introduction d’un tel pouvoir d’injonction du pouvoir exécutif sur l’autorité judiciaire constituerait une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs : principe ordonnateur de notre République, constitutionnellement garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Rappelons au Gouvernement, dont nous connaissons la considération minime qu’il porte aux magistrats, que l’autorité judiciaire n’est pas un service de l’État soumis à l’autorité hiérarchique du préfet ! Plutôt que de remettre systématiquement en cause son rôle et ses décisions, le Président de la République devrait respecter les prérogatives de l’autorité judiciaire, consacrées par l’article 64 de la Constitution ; il devrait assumer sa mission de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, aujourd’hui parent pauvre de notre démocratie.

Nous nous opposons également à l’alinéa 98, qui confère un caractère suspensif à l’appel susceptible d’être introduit par le procureur de la République.

En effet, pendant l’ensemble de la procédure précédemment décrite, le patient demeure en hospitalisation complète. En d’autres termes, alors que le juge des libertés et de la détention aurait prononcé, au terme d’une analyse approfondie du dossier, une mainlevée de la mesure de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, le patient pourrait demeurer enfermé dans un hôpital psychiatrique.

Le dispositif, consistant à maintenir en hospitalisation complète, pendant une durée pouvant atteindre quatorze jours, une personne dont le juge des libertés et de la détention aurait estimé qu’elle devrait être remise en liberté, encoure un fort risque d’inconstitutionnalité. Une telle mesure, qui constitue une remise en cause explicite de la décision de l’autorité judiciaire et des libertés publiques, manifeste l’esprit qui anime votre projet de loi : la personne victime de troubles mentaux est nécessairement une menace pour la société et l’ordre public.

L’ensemble de ces remarques d’ordre juridique, politique et philosophique, particulièrement lourdes de sens et de conséquences, nous conduisent à demander la suppression des alinéas 97 et 98 de l’article 1er, dans lesquels nous voyons de véritables atteintes aux fondements de notre démocratie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion