Intervention de Annie David

Réunion du 11 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Article 2

Photo de Annie DavidAnnie David :

L’article 2 du projet de loi vise à réformer les conditions d’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers et tend à instaurer une nouvelle procédure faisant référence au péril imminent. Il s’inscrit dans la démarche du Gouvernement, qui consiste à faire primer la sécurité sur la santé, ce que nous refusons catégoriquement.

Naturellement, nul ne contestera la nécessité qu’il peut y avoir à ce qu’une personne soit hospitalisée et entourée afin qu’elle ne commette pas des actes pouvant porter atteinte à sa vie ou à sa santé. Il est même de notre responsabilité collective d’agir. Il est également de notre devoir de l’empêcher de nuire à autrui.

Cependant, la procédure que vous nous proposez, madame la secrétaire d'État, revient à ajouter de la violence à la souffrance puisqu’elle prévoit à la fois l’application de soins sous contrainte et une mesure de privation de liberté. C’est une dérogation importante aux principes qui gouvernent les droits des malades. Ces droits consacrent l’autonomie de la volonté du patient, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent la capacité de celui-ci à accepter ou à refuser des soins. Ici, il n’en est rien : les soins sont contraints.

Les maladies psychiques, mes chers collègues, ne sont pas des maladies comme les autres. Elles ne relèvent pas de dysfonctionnements organiques, elles touchent au psychisme de l’individu et affectent ses pensées ou son comportement. Par conséquent, elles ne peuvent pas faire l’objet exclusif d’un traitement médicamenteux. Or les auteurs de ce projet de loi partent du postulat inverse. Ils font comme s’il suffisait que le patient connaisse le nom de sa maladie pour reconnaître qu’il est malade, et qu’il prenne un traitement médicamenteux pour être guéri.

Nous savons, depuis Pinel, c’est-à-dire depuis la Révolution française, que non seulement les fous n’ont pas conscience de leur maladie, mais qu’ils la nient et la combattent dans une vie différente, à côté de celle que les non-malades vivent. C’est à l’occasion de cette confrontation entre ces deux mondes que surviennent les crises. L’injonction de soins présente le mérite d’interrompre ces dernières et de mettre un terme aux agissements qui en résultent. Mais le déni, quant à lui, se poursuit. Autrement dit, on traite le symptôme, sans traiter le mal, sans apaiser le patient. Or le traitement et l’apaisement devraient être la priorité.

C’est pourquoi nous avons regretté, tant à l’occasion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, défendue par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, que lors de l’intervention de Guy Fischer ou encore tout au long de nos débats sur l’article 1er, que ce projet de loi soit limité à la seule question des soins sans consentement.

À l’occasion de mon intervention sur l’article 2, je souhaite réaffirmer une position de principe : les patientes et les patients atteints de maladies mentales ne peuvent pas être réduits à un rôle de spectateurs. Ils doivent être les acteurs de leur guérison, ce qui nécessite qu’ils soient informés des soins qui leur sont dispensés et qu’ils y consentent, dans la mesure du possible.

Ce consentement n’est évidemment pas un chemin facile. Il exige de la part des professionnels de santé du temps, de la disponibilité, afin que puisse se lier une relation et que le rapport ne se limite plus seulement à une distribution automatique de médicaments. Cela demande qu’en lieu et place de l’organisation des soins sans consentement, normée pour toutes et tous et débouchant systématiquement sur l’enfermement ou sur le recours aux médicaments, on trouve les moyens d’élaborer un parcours de soins individualisé.

Dans la mesure où cet article se contente d’organiser les soins sans consentement pour les personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation sur demande d’un tiers, nous ne pouvons que nous y opposer.

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