Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 11 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Article 3

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour avis :

L’hospitalisation d’office en urgence est, à Paris, prononcée par les commissaires de police et, dans les autres départements, par les maires.

À Paris, les personnes sont conduites à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, l’IPPP, service médico-légal d’accueil et de diagnostic psychiatrique d’urgence. Or, dans un avis rendu public le 15 février 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a estimé que cette infirmerie, en tant que lieu de privation de liberté, ne présentait pas des garanties suffisantes au regard des droits de la personne, et ce pour deux raisons essentielles.

D’une part, elle ne dispose d’aucune autonomie, étant un simple service de cette préfecture. Ses ressources lui sont assurées par la préfecture de police. À supposer que les médecins qui y exercent ne soient pas sous l’autorité hiérarchique de la préfecture de police de Paris, ils sont rémunérés par celle-ci, les conditions matérielles de leurs fonctions et la gestion de leur carrière en dépendent. Cela rappelle un peu, mes chers collègues, la situation de la médecine dans les prisons à l’époque où nous avions une médecine pénitentiaire.

L’établissement n’a donc rien à voir avec un centre hospitalier habilité à accueillir des malades mentaux. Par conséquent, les dispositions propres aux droits des personnes accueillies en hôpital ne s’y appliquent pas et aucune autorité de santé n’est compétente pour y vérifier les contenus et les modalités de soins.

D’autre part, dès lors qu’elle ne ressortit pas à la catégorie des établissements hospitaliers qui relèvent du code de la santé publique, l’IPPP n’est pas obligatoirement visitée par les magistrats des tribunaux compétents et, notamment, par le parquet.

En conséquence, ainsi que le précisait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le dispositif est propre à entretenir le doute, s’agissant de la nécessaire distance entre considérations d’ordre public et considérations médicales. Dans son avis, il recommande donc de mettre fin à cette confusion, qui n’a, je le rappelle, d’équivalent dans aucune autre ville de France.

C’est pourquoi cet amendement prévoit que, lorsque l’hospitalisation d’office en urgence est prononcée, la personne ne peut être prise en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun. Cet amendement aurait donc pour conséquence d’obliger l’IPPP à évoluer pour devenir un établissement hospitalier de droit commun.

En effet, sur le plan des principes, une situation pathologique, fût-elle d’urgence, ne doit pas être prise en charge par un établissement relevant d’une institution de police, sauf à alimenter la confusion, toujours regrettable, entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité.

Un amendement déposé à l’article 14 prévoit que la préfecture de police aura jusqu’au 1er septembre 2012 pour procéder à ce changement de statut ; un délai complémentaire pourrait d’ailleurs être envisagé.

Que l’on me comprenne bien : ce n’est pas une critique du fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police que je me permets de faire ici. Il s’agit de se référer à certains principes qui rendent nécessaire une évolution. Le ministère de l’intérieur, que j’ai interrogé, semble d’ailleurs partager cet avis. Notre discussion pourra ainsi porter sur les modalités et le lissage d’une telle décision.

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