Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 21 février 2006 à 10h00
Questions orales — Chikungunya

Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

Monsieur le président, je vous remercie de me poser cette question, qui me permet de vous donner les toutes dernières informations dont nous disposons.

Le virus du chikungunya frappe aujourd'hui la Réunion et Mayotte. À Mayotte, nous avons franchi la barre des 1 000 cas depuis le début de cette épidémie. À la Réunion, 110 000 personnes ont été contaminées par ce virus. Ainsi, 12 000 mille personnes ont été contaminées pendant l'année 2005 et 100 000 l'ont été, depuis le seul début de l'année 2006 !

Nous avons trois priorités d'action.

La première est la démoustication, car il est nécessaire d'éradiquer le moustique Aedes, qui est le vecteur du virus chikungunya. Le 27 février, 3 600 personnes seront donc engagées sur le terrain : des militaires, des personnels de la sécurité civile, des personnels des collectivités locales, des associations, pour éradiquer le moustique en veillant bien à ce que les impératifs de protection de l'environnement soient pris en compte pour cette opération. Nous sommes très attentifs, comme le sont les Réunionnais, à la biodiversité de l'île et à la conformité des protocoles d'utilisation aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.

J'ai décidé avec François Goulard d'envoyer sur place une mission qui sera chargée d'expertiser toutes ces données environnementales pour offrir les garanties qu'attendent les Réunionnaises et les Réunionnais. Éradiquer le moustique est une chose, mais il ne s'agit pas de faire n'importe quoi en matière de santé humaine et d'environnement.

La deuxième priorité est la prise en charge des malades. Elle repose avant tout sur la mise à disposition de tous les médicaments nécessaires sur l'île. Pour faire face aux besoins, nous avons mis en place un pont aérien entre la métropole et l'île de la Réunion, afin que les hospitaliers bénéficient d'un renfort attendu. Je me suis rendu sur place à la fin du mois de janvier ; j'y retournerai dans les jours prochains.

J'ai également voulu que des professionnels de santé, des médecins, des pédiatres et des infirmières, soient présents pour permettre aux professionnels, qui sont surchargés de travail depuis des semaines, de mieux répartir leur charge de travail.

Je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage à tous les professionnels de santé, libéraux, hospitaliers, médicaux et paramédicaux, qui, depuis des semaines, font face à cette épidémie de chikungunya.

Je tiens à vous dire que les moyens déployés en ce moment de métropole le sont aussi pour Mayotte. En effet, même si les 1 000 cas constatés n'ont rien à voir avec la situation à la Réunion, je veux que nous fassions preuve non seulement de réactivité, mais aussi d'anticipation, afin qu'à Mayotte cette épidémie ne prenne pas de vitesse les services sanitaires et sociaux.

Enfin, la troisième priorité est la recherche. Nous sommes au XXIe siècle et, pourtant, nous ne savons que peu de chose sur le chikungunya. Nous pourrions faire la même remarque sur la Dengue tropicale ou encore sur le West Nile. Sur toutes ces maladies émergentes, ces maladies tropicales, ces virus, nos pays, même développés, ne sont pas en mesure aujourd'hui d'apporter toutes les réponses aux questions que se posent nos concitoyens.

Par conséquent, nous avons décidé de mettre en place une cellule de recherche destinée à répondre aux questions que se posent les Réunionnaises et les Réunionnais. Comment se fait-il que cette maladie apparaisse, disparaisse et réapparaisse ? Comment se fait-il que nous ayons des formes atypiques et graves de la maladie avec le chikungunya ? Comment cela se fait-il que le virus puisse passer de la mère à l'enfant, comme cela semble être le cas ? Quel est le moyen de transmission ?

Enfin, j'ai un principe récurrent dans l'exercice de mes fonctions publiques : la transparence. Même si, pour les scientifiques, ce virus n'est pas mortel, moi, je veux en être certain, les Réunionnaises et les Réunionnais également. On a constaté 396 décès de plus en 2005 par rapport à 2004. D'après les scientifiques et les experts sanitaires, cette surmortalité s'explique, mais je veux que l'explication convienne à tout le monde et que toute la lumière soit faite sur les 52 bulletins de décès de l'année 2005. Le décès d'une fillette survenu ces jours deniers porterait à 53 le nombre de disparitions susceptibles d'avoir un lien avec le chikungunya.

Je veux que toute la lumière soit faite. Il n'est pas toujours facile d'y parvenir lorsque les parents ne veulent pas qu'une autopsie soit pratiquée et la décision de la famille doit être respectée. Si certains décès sont dus au fait que des personnes déjà atteintes de maladies invalidantes ont été fragilisées encore plus par le chikungunya, il est quelques cas pour lesquels aucune autre cause n'a été mise en relief. J'ai donc demandé à l'Institut national de veille sanitaire, l'INVS, de rencontrer les équipes médicales, les familles, afin de déterminer la cause réelle du décès.

Quand je ne sais pas quelque chose, je le dis. Je vous ai donc précisé que nous n'avions pas assez de connaissances sur le chikungunya. Mais je dis aussi tout ce que je sais. Je peux donc ajouter que, selon les scientifiques, cette maladie n'est pas mortelle. Bien sûr, chacun le souhaite, mais, comme les Réunionnaises et les Réunionnais, comme nos concitoyens, je veux en avoir les garanties.

Il existe d'autres pistes d'action et de recherche. Une mission composée de quatre chercheurs s'est rendue à la Réunion. À leur retour vendredi, je les ai rencontrés. Hier, nous avons fait le point avec François Goulard sur les perspectives d'action. Nous allons passer au peigne fin, si je peux me permettre cette expression, toute la pharmacopée française pour savoir si l'un des médicaments permettrait, en plus de prendre en charge la douleur, de combattre le chikungunya. Nous agirons à court terme, à moyen terme, mais aussi à long terme, afin de travailler également, si cela est possible, sur un vaccin.

Nous voulons également renforcer les moyens de veille sanitaire pour la Réunion, car cette île est un carrefour dans l'océan Indien et nous devons à tout prix reprendre ce travail de prévention. Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Sur l'île de la Réunion, depuis maintenant plus de vingt ans, on a baissé la garde face aux maladies émergentes. C'est ainsi que l'on pensait avoir vaincu le paludisme alors qu'à Mayotte, notamment, on n'a jamais cessé de démoustiquer avec des moyens importants.

Il faut tirer tous les enseignements de cette crise sanitaire majeure qui a été foudroyante : 100 000 cas depuis seulement le début de l'année. Aucun autre pays de par le monde n'a jamais été confronté à une crise sanitaire due à une maladie comme celle-ci, même sur l'île. L'hôpital de Saint-Denis de la Réunion, qui n'avait besoin de personne pour prendre une telle décision, a décidé le 20 janvier d'ouvrir un service spécialement dédié au chikungunya. Cela montre bien qu'à partir du moment où a été prise la réelle mesure de l'accélération de l'épidémie, chacun a pris les décisions qui s'imposaient, notamment les acteurs locaux qui ont été au premier plan.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir interpellé sur cette question. Face à cette crise sanitaire majeure, pour laquelle nous mettons et nous mettrons tous les moyens nécessaires afin de faire face aux besoins sur l'île de la Réunion ainsi qu'à Mayotte, nous devons, dans cette épreuve terrible qu'ils traversent, assurer les Réunionnaises et les Réunionnais de la solidarité nationale. En effet, je suis en charge de l'aspect sanitaire, mais il n'y a pas que cet aspect-là. Il faut également prendre en compte l'aspect touristique et la dimension économique.

Les Réunionnaises et les Réunionnais doivent savoir qu'ils ne sont pas seuls dans cette épreuve. François Baroin se rendra ce soir même dans l'île de la Réunion. Pour ma part, j'y retournerai dans les jours qui viennent afin de faire le point sur ce qui est engagé et, surtout, sur la façon dont nous pouvons apporter, à moyen et à long terme, les meilleures réponses possible pour permettre aux Réunionnaises et aux Réunionnais de retrouver enfin la sérénité.

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