Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 21 février 2006 à 10h00
Questions orales — Projet de construction d'un tramway à jérusalem

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Madame la ministre déléguée, le projet de construction d'un tramway à Jérusalem doit être mené à bien par le consortium français « City Pass » composé des sociétés Alstom et Connex.

Cette ligne de tramway desservira les colonies de Pisgat Ze'ev et de French Hill, et les reliera au mont Herzl, par la route de Jaffa, dans le centre de la ville.

Habituellement, la construction d'un tramway entraîne quelques tensions avec les riverains, liées notamment à la perturbation de la circulation et au bruit des travaux.

En l'espèce, il semble que ce projet pose des problèmes bien plus profonds, touchant au coeur même du conflit israélo-palestinien et au respect du droit international par Israël, mais aujourd'hui également par la France à travers ce projet.

En effet, dans un discours prononcé à Jérusalem, le 17 mars 2005, le Premier ministre d'alors, M. Jean-Pierre Raffarin, s'est félicité de l'obtention de ce contrat important pour le commerce extérieur français. De plus, le contrat a été signé dans les bureaux du Premier ministre israélien, M. Ariel Sharon, le 17 juillet 2005, en présence de notre ambassadeur, M. Gérard Araud.

Tout pousse donc à croire que nous sommes les porteurs, sinon des partenaires actifs, de ce projet.

L'ONU prévoyait, dès 1947, que la totalité de Jérusalem et de ses environs, jusqu'à Bethléem, serait placée sous autorité internationale. Or Israël contrôle de facto, depuis 1967, la totalité de la ville sainte, en contradiction flagrante avec les textes internationaux.

La résolution 2253 de l'ONU demandait pourtant à Israël de revenir sur toutes les dispositions susceptibles d'altérer le statut de Jérusalem, ce qu'Israël n'a jamais fait !

Le statut de la ville sainte ainsi que la définition de ses frontières par l'État hébreu sont donc contraires au droit international et ne sont pas reconnus par la communauté des nations.

Jérusalem est également en proie actuellement à une colonisation massive, tant dans sa partie Est que dans les territoires environnants. Le bloc de colonisation autour de la ville, appelé Ma'ale Adumim, comprend 33 000 colons occupant vingt-deux kilomètres carrés de terres palestiniennes, notamment les villages de Abu Dis, Ezariya, lsawiya, At Tur et 'Anata.

En août 2005, alors que tous les médias se focalisaient sur le désengagement de la bande de Gaza, 3500 nouvelles constructions de maisons étaient annoncées dans le bloc de Ma'ale Adumim.

Aujourd'hui, Jérusalem-Est compte plus de colons israéliens que de citoyens palestiniens, alors que, selon le droit international, il s'agit d'un territoire palestinien !

Israël continue à l'heure actuelle de coloniser de nouveaux territoires et tente d'en assurer la pérennité sans qu'aucune réaction internationale ne vienne troubler ces annexions.

La construction du tramway participe de ce projet de pérennisation de colonies illégales.

Il s'agit, en effet, tout comme avec la construction du Mur, de mettre en place des infrastructures durables qui prennent comme fait accompli l'existence des colonies israéliennes en terre palestinienne et qui rendent impossible toute continuité territoriale entre plusieurs foyers de peuplement palestinien.

En outre, cette construction vise à fournir un service à la population occupante au détriment des Palestiniens, qui n'auront probablement pas accès à ce tramway.

Le plus grave réside dans le fait que la France, souvent pionnière dans sa volonté de contribuer au règlement du conflit israélo-palestinien par le droit international, sacrifie aujourd'hui ce dernier sur l'autel de la libre concurrence.

Ainsi, Alstom et Connex, entreprises françaises, entreprennent des travaux participant à une colonisation illégale au regard du droit international.

L'État français, quant à lui, semble se dédouaner de toute responsabilité dans cette affaire.

Face à ce projet de tramway, un collectif national s'est mis en place dans notre pays. Des contacts ont été pris avec certains syndicats d'Alstom et de Connex et un groupe de travail pour une intervention judiciaire s'est constitué.

Madame la ministre déléguée, le gouvernement français a-t-il l'intention de réaffirmer son respect du droit international, qui ne reconnaît ni les colonies illégales israéliennes ni l'annexion de Jérusalem-Est ? Ne devrait-il donc pas mettre fin à son soutien aux deux entreprises, Alstom et Connex, qui se rendent aujourd'hui coupables de complicité de violation du droit international ?

La France, qui avait jusqu'alors toujours fait preuve de bon sens et de neutralité dans le conflit israélo-palestinien, a-t-elle décidé aujourd'hui de soutenir le processus de colonisation de Jérusalem et de la Palestine ?

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