D'après Pierre-Victor Tournier, directeur de recherche au CNRS, la « densité carcérale » en France au 1er février 2006 est de 59 248 prisonniers, dont plus de 20 000 en détention provisoire, pour un peu plus de 51 000 places opérationnelles. Le taux d'occupation moyen est donc de 115, 8 %.
Cette surpopulation carcérale est sans précédent et concerne l'ensemble des établissements pénitentiaires de notre pays.
À Lyon, par exemple, la prison Saint-Paul-Saint-Joseph, appelée la « marmite du diable », compte à ce jour 838 détenus pour 364 places. Le récent rapport de M. Gil-Robles, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, est à cet égard on ne peut plus explicite. Le commissaire y dénonce « une surpopulation inhumaine et dégradante », relate avoir observé « des scènes choquantes », notamment à la prison de La Santé et aux Baumettes, qu'il n'a pas hésité à comparer aux prisons moldaves, et dresse « un douloureux constat » en raison d'une « surpopulation chronique qui prive un grand nombre de détenus de leurs droits élémentaires ».
Lors de la parution de ce rapport, la Ligue des droits de l'homme évoquait un « jour de honte », tandis que l'Observatoire international des prisons parlait d'« une claque pour le ministre de la justice ».
Face à une situation qui crée le désespoir des détenus et de leurs familles, et sur l'initiative du fondateur de l'Observatoire international des prisons, Bernard Bolze, une campagne intitulée « Trop, c'est trop » a été récemment lancée. Elle vise à ce que le principe du numerus clausus soit respecté en prison, soit une place pour un détenu. Des associations, la Ligue des droits de l'homme, ATD Quart Monde, la Cimade, le MRAP ou SOS-Racisme et de nombreux parlementaires de différentes familles politiques soutiennent cette campagne.
La politique menée par la majorité, notamment par l'actuel ministre de l'intérieur, est à l'origine d'une surpopulation carcérale aux conséquences inhumaines et indignes. Condamner ceux qui ont commis des délits est une obligation ; leur faire purger leur peine est également une obligation. Mais il faut donner à la prison les moyens de jouer aussi son rôle de réinsertion, envisager des peines alternatives à l'enfermement et les mises en liberté conditionnelle, réduire les durées de l'incarcération préventive.
Il faut aujourd'hui couper court aux faux procès. La promiscuité en prison ne concerne pas les grands criminels : la situation la plus intolérable est celle que vivent de petits délinquants qui s'entassent dans les maisons d'arrêt, où manquent aujourd'hui près de 8 000 places. Ce sont ceux qui sont les plus à même de se réinsérer qui sont les plus touchés par la surpopulation carcérale.
Caricaturer le numerus clausus, comme l'a fait le ministre de la justice, en se demandant s'il faut laisser dehors les responsables de crimes ou de délits, c'est afficher son mépris pour l'ensemble des détenus, les personnels pénitentiaires et tous ceux qui, bénévolement ou avec très peu - trop peu - de moyens, oeuvrent pour qu'un détenu reste un être humain.
Je souhaite savoir quelle lecture et quelle analyse fait M. le ministre de la justice du principe du numerus clausus et quelle réponse il compte apporter pour maintenir la dignité des détenus.