Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention du garde des sceaux sur la surpopulation qui affecte l'ensemble des établissements pénitentiaires de notre pays.
Il convient tout d'abord de rappeler que, contrairement à ce que l'on entend souvent, le nombre de détenus en France est comparable, parfois même inférieur, à celui d'autres pays européens tels la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ou le Portugal.
La réponse au surencombrement et à la vétusté des établissements pénitentiaires passe par la construction de prisons modernes respectant la dignité des personnes et garantissant leur sécurité.
C'est regrettable pour vous, madame, mais on se doit de constater que seuls les gouvernements appartenant à l'actuelle majorité ont eu le courage de conduire une politique ambitieuse en ce domaine : je rappelle les programmes Chalandon - 13 000 places en 1986-, Méhaignerie - 4 000 places en 1994- et Perben - 13 200 places actuellement. Cette absence de continuité dans l'effort explique la situation que vous dénoncez.
Certains prétendent que le numerus clausus - qui interdirait, en cas de dépassement de la capacité des établissements pénitentiaires, d'incarcérer un délinquant placé en détention en application d'une décision de justice -, constitue une solution alternative crédible.
Comme tous les prédécesseurs de Pascal Clément, y compris ceux qui n'appartenaient pas à l'actuelle majorité - je pense notamment à Robert Badinter et à Élisabeth Guigou, qui se sont publiquement exprimés sur cette question -, on ne peut que douter de la pertinence d'une telle proposition. On constate d'ailleurs que ceux qui réclament l'instauration du numerus clausus, sans expliquer vraiment à nos concitoyens comment il pourrait fonctionner concrètement, ne l'ont pas institué lorsqu'ils étaient au pouvoir : s'ils ne l'ont pas fait, c'est que, ainsi que l'a souligné Robert Badinter, il restreint la liberté d'appréciation des magistrats.
Enfin, quelle serait cette conception du principe d'égalité qui permettrait que l'on incarcère en Bretagne et qu'on libère en Alsace, en fonction des places de détention disponibles, des personnes condamnées pour des faits similaires à la même peine d'emprisonnement ?
Développer des peines alternatives à l'incarcération et accroître des aménagements de peine prononcés de façon individualisée par les magistrats est nettement préférable à l'application d'un principe dont le caractère systématique et brutal ne pourrait que heurter nos concitoyens et nourrir leur incompréhension de la justice.
Le garde des sceaux souhaite rappeler à cet égard que les aménagements de peine prononcés par les magistrats de l'application des peines ont sensiblement augmenté puisqu'ils approchent les 20 000 en 2005, alors qu'ils stagnaient autour de 15 000 depuis dix ans.