Si je défends cet amendement de suppression, c'est que les arguments formulés contre le renvoi en commissions de l'article 14 ne m'ont pas convaincu.
Il nous faut décider si nous instaurons cette redevance qui touchera dans un premier temps l'activité de promenade en raquette. Je dis bien « dans un premier temps », car nous entendons d'ores et déjà que cette nouvelle redevance pourrait être appliquée à d'autres activités.
Je ne vous étonnerai pas, mes chers collègues, en vous disant que ce qui motive essentiellement notre position est le manque de concertation, le refus d'entendre toutes les voix qui se sont élevées contre cet article. A lui seul, cet argument nous semble suffisant pour justifier notre amendement.
L'amendement que la commission propose pour rassurer ceux qui sont inquiets ne nous satisfait pas.
Je vous dirai aussi combien la mise en place de cette redevance peut être considérée comme injuste, voire dangereuse.
La redevance est injuste parce qu'elle rompt le principe de libre accès aux sites naturels. Cette liberté est pourtant essentielle à l'exercice de notre démocratie. Elle permet à chacun, quels que soient ses moyens, de profiter des paysages de notre pays.
La redevance est aussi profondément injuste car elle soustrait de l'espace publique, dans lequel s'applique le principe constitutionnel de libre circulation, des territoires où, dorénavant, l'activité marchande aura seule droit de cité.
Même si cette redevance est publique, c'est un espace marchandisé, privatisé qui s'installe, puisqu'il faudra payer pour y avoir accès.
J'entends bien, certes, que le paiement viendra en contrepartie d'équipements, d'aménagements et d'entretien. Ces éléments, toutefois, sont peu définis, tout juste esquissés.
Cette mesure pose évidemment le problème du financement des collectivités territoriales, mis à mal ces derniers temps par la politique gouvernementale. De plus, elle ouvre la porte à des réalisations a minima.
Enfin, cette mesure est injuste par les prix pratiqués. Là où cette taxe est déjà appliquée, elle se monte à 2 euros par personne et par jour. Imaginez ce que cela représente pour des familles à revenu modeste ou des familles nombreuses ! À cette somme, il faut ajouter la location des raquettes. Si, au surplus, un guide accompagne les promeneurs dans le cadre des prestations payantes organisées dans les stations, l'activité raquette va devenir chère, voire prohibitive.
Chacun sait combien les activités de neige sont coûteuses. Pour certains, la balade en raquettes est la seule activité à leur portée. Nombreux seront peut-être ceux qui ne pourront plus accéder à cette pratique. Dans ces conditions, continueront-ils à partir en vacances à la montagne ?
Certes, on nous assure que ces sites seront réduits et que des espaces de liberté seront maintenus. Mais l'article 14 ne nous le garantit pas !
Avec l'amendement de la commission, le principe de la liberté d'accès est réaffirmé. Mais, nous le savons tous, la réaffirmation formelle d'un principe sert bien souvent, dans les faits, à masquer une mise en oeuvre destinée à le détourner !
Je terminerai en montrant combien cette redevance peut être dangereuse.
En effet, le risque est réel de voir les espaces non taxables éloignés des lieux de vie, mis à l'écart, peu accessibles, donc moins attractifs et susceptibles de devenir plus dangereux que les espaces taxables des sites nordiques.
De plus, cette taxe risque de freiner l'expansion de l'activité raquettes, voire de la faire régresser, et donc d'être à l'origine de retombées économiques négatives, dangereuses pour l'équilibre fragile de nos stations de montagne. Ne l'oublions pas, certains analystes ont mis en évidence la relation entre la baisse de l'activité ski de fond et l'application de la redevance perçue sur les pistes !
Enfin, nous craignons que la mise en place de cette nouvelle redevance n'ouvre, en montagne et ailleurs, la porte à de futures taxations pour divers sentiers de découverte, dès lors que ceux-ci seront balisés, équipés et entretenus.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement de suppression de l'article 14.