... et de faire appel, si les tribunaux ne suivent pas ces réquisitions, contribuant ainsi à inciter le pouvoir judiciaire à surcharger des prisons déjà surpeuplées, dignes d'un État comme la Moldavie !
D'ailleurs, à l'instar du ministre de l'intérieur, qui semble de plus en plus dicter la politique judiciaire de la France, vous avez encore récemment récidivé en demandant aux procureurs, d'une part, de faire preuve de fermeté à l'encontre des manifestants anti-CPE et, d'autre part, de veiller à ce que les parquets fassent appel au cas où un juge ne suivrait pas la consigne.
Au travers des dérapages contrôlés de ses ministres, on a l'impression que ce Gouvernement se veut le pompier pyromane de notre société et de notre démocratie, mettant à mal la séparation des pouvoirs, exécutif et judiciaire, indispensable dans une démocratie.
Voilà quelques mois, c'est M. Nicolas Sarkozy qui profitait honteusement de l'affaire Nelly Crémel, cette mère de famille lâchement assassinée, pour proposer de sanctionner des magistrats qui, en fait, s'étaient contentés d'appliquer la loi !
Venons-en à la dernière aberration en date du 8 mars ; je veux parler de la circulaire que vous avez adressée aux procureurs généraux s'agissant des contestations portées devant les conseils des prud'hommes et relatives aux licenciements dans le cadre d'un CNE.
Vous outrepassez largement vos prérogatives en demandant aux procureurs généraux de veiller « à ce que le parquet fasse appel », après « analyse des décisions des prud'hommes ». En effet, depuis quand le parquet se mêle-t-il d'affaires prud'homales ? C'est du jamais vu sous forme d'ordre ministériel !
Qui plus est, vous précisez que le juge « n'est pas chargé d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement survenu dans les deux ans » d'essai du CNE. Vous vous placez ainsi du côté des patrons, au détriment de la situation des salariés.
Comme le fait remarquer Me Lyon-Caen dans le journal Libération du 27 mars 2006, « il s'agit d'une trahison de la mission du ministère public, [...] car il ne peut pas être partisan au point de soutenir une catégorie de citoyens contre une autre. Et il est inconcevable qu'il intervienne pour soutenir exclusivement les intérêts de l'employeur. »
Pendant un grand nombre d'années, nombreux étaient ceux qui craignaient un Gouvernement des juges. Aujourd'hui, ils vont obtenir au-delà de ce qu'ils espéraient, c'est-à-dire un Gouvernement sans juge.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous, face à la représentation populaire, à tout mettre en oeuvre afin que soient respectées la stricte séparation des pouvoirs et la garantie de l'indépendance de la justice ?
Vous engagez-vous à faire en sorte que ni vous ni aucun autre ministre ne s'immisce dans les décisions des juges ? Pour cela, il faut commencer par cette circulaire du 8 mars 2006. Auriez-vous l'intention de la retirer et quand ?
Enfin, monsieur le ministre, quelle garantie êtes-vous prêt à apporter afin d'assurer la libre expression de la magistrature, notamment à travers le cas spécifique de M. Didier Peyrat, qui, même s'il a été aujourd'hui innocenté, n'aurait jamais dû être inquiété par sa hiérarchie ? Je vous remercie.