Juste une précision, monsieur le président, sur l'amendement n° II-101 rectifié parce que je me sens un peu coupable au sujet de ce qui a été dit, étant donné que les règles de l'impôt de solidarité sur la fortune ont été établies sous ma plume en 1988.
Je voudrais dire que le choix du délai de répétition de dix ans est un pur hasard. Comme on ne savait pas comment faire, on a dit à l'époque : « on va appliquer les règles des droits de succession » et on a appliqué toutes les règles des droits de succession. Mais c'était surtout pour des raisons tenant à l'évaluation des biens, donc à la base d'imposition. Et on ne s'est pas aperçu, du même coup, que l'on appliquait toutes les règles des droits de succession et donc également celles concernant le recouvrement de l'impôt, donc le délai de répétition de dix ans.
Or, je dois dire que l'on ne peut pas considérer que c'est par une volonté expresse que le législateur a institué un délai de répétition de dix ans alors qu'il aurait dû normalement être de trois ans ou quatre ans, comme pour les autres impôts directs.
Cette application mécanique a des inconvénients graves, le rapporteur général l'a dit. Beaucoup de gens, notamment dans les grandes villes, ne s'aperçoivent pas qu'ils ont franchi le seuil d'imposition. Un beau jour, la succession s'ouvre et on leur dit alors : « mais comment, il n'avait pas déclaré l'ISF ? ».
Connaissez-vous la triste histoire des trois RMIstes habitant sur l'île de Ré ? Trois titulaires du RMI, dans l'île de Ré, propriétaires de terrains, sont devenus multimillionnaires sans le savoir et du seul fait de la spéculation foncière dans l'île. Ils n'ont rien déclaré, ils sont RMIstes, ils ont hérité ces biens de leurs parents ou grands-parents il y a parfois longtemps. Un beau jour, l'administration fiscale se réveille et leur annonce que leur terrain vaut très cher et qu'il faut le déclarer au titre de l'ISF. RMIstes, ils ne s'en étaient pas aperçus ! Ils avaient naturellement bien autre chose à faire. Ils avaient dépassé le seuil sans même savoir de quoi il s'agissait !
Bien entendu, dans ce cas, la seule solution est de vendre le terrain pour payer l'impôt, et si jamais le prix du terrain a franchi le seuil il y a dix ans... Je passe, monsieur le ministre, sur les difficultés de discussion avec l'administration dans ce cas : depuis quand a-t-on dépassé ? Est-ce que cela fait dix ans ?
Par conséquent, nous ne réglerons sans doute pas le problème aujourd'hui et je ne sais pas si, philosophiquement et politiquement, il faut le régler. Mais je voulais dire que si les règles qui s'appliquent à l'impôt de solidarité sur la fortune ont été créées à l'époque sciemment, c'est en revanche par hasard et par automatisme qu'a été instituée la règle des dix ans.
Par conséquent, pour ceux qui sont, comme moi, attachés à une certaine forme d'impôt sur le patrimoine, cette règle des dix ans ne peut pas avoir le caractère sacré que certains veulent bien lui reconnaître.