Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er, amendement 146

Gérard Larcher, ministre délégué :

Le Gouvernement est naturellement favorable à l'article 1er, qui rénove en profondeur le compte épargne-temps. Jusqu'à présent, ce mécanisme, très strictement encadré, était resté plutôt confidentiel et, en tous les cas, limité aux seules grandes entreprises.

Grâce aux modifications introduites par la proposition de loi, le compte épargne-temps va pouvoir devenir un instrument important de gestion du temps de travail sur le long terme, dans l'intérêt des salariés comme dans l'intérêt des entreprises.

Désormais, les salariés pourront y recourir pour échanger des jours de congé ou de repos contre un complément de rémunération, pour se constituer un complément de retraite ou encore pour financer une période de formation ou de congés familiaux.

Le dispositif du compte épargne-temps sera organisé par voie d'accords collectifs de branches ou d'entreprises, qui en sont la clé de voûte. Les partenaires sociaux fixeront tant le volume que les modalités d'utilisation et les garanties dans le temps des droits épargnés.

J'ai la conviction qu'il s'agit d'un instrument moderne de gestion du temps, qui devrait permettre de trouver un équilibre entre les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises. Contrairement à ce que j'ai pu entendre cet après-midi tout au long des débats, le texte ne prévoit aucune restriction des possibilités existantes de recours au compte épargne-temps. Bien au contraire, nous avons prévu d'élargir considérablement les possibilités d'alimentation du compte épargne-temps et les moyens de l'utiliser.

Madame Le Texier, je tiens à souligner que cet article ne dépossède pas le salarié des droits qu'il aura stockés sur son compte. Les droits stockés seront utilisés sur son initiative dans des conditions définies par l'accord collectif.

A Mmes Printz et Voynet, MM. Muzeau et Godefroy, je répondrai que le dispositif du compte épargne-temps ne fait pas courir de risques aux salariés sur la durée. Les droits stockés sont des droits patrimoniaux garantis et transmissibles comme tels. Au-delà d'un montant qu'il faudra définir par décret, les entreprises devront mettre en place un mécanisme d'assurance ou de garantie qui viendra, le cas échéant, en complément de l'assurance garantie des salaires.

Je crois qu'il faut accepter - c'est sans doute ce qui nous différencie - de faire confiance à la négociation collective, qui est la clé de voûte de ce nouveau compte épargne-temps. §Comme le disait voilà un instant M. le rapporteur, les signataires des accords trouveront les équilibres les plus appropriés compte tenu de la taille de l'entreprise, de sa surface financière et du montant des droits qui pourront être stockés.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements présentés par la commission parce qu'ils répondent parfaitement aux souhaits de précision et d'enrichissement du travail qui a été réalisé à l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'amendement n° 146 relatif au travail de nuit, qui est l'une des préoccupations de M. Muzeau., le Gouvernement n'avait pas été favorable à l'adoption de la disposition instituant un régime dérogatoire pour le travail de nuit, notamment dans le secteur de l'audiovisuel et de la presse, lors de l'examen de la loi de cohésion sociale devant le Sénat.

La Haute Assemblée ne l'a pas suivi et l'Assemblée nationale a confirmé ce vote.

Cette mesure soulevant un réel problème, le Gouvernement aurait souhaité, plutôt que de passer par la loi, la soumettre à la négociation collective, qui aurait permis d'apporter une réponse plus adaptée.

Néanmoins, je crois inopportun de revenir sur ce point quelques semaines plus tard.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 149, l'article L. 213-3 du code du travail prévoit une procédure de dérogation rigoureuse, en mentionnant « l'autorisation de l'inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'ils existent ». J'estime que les conditions sont suffisantes et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter la consultation du CHSCT proposée par les membres du groupe CRC.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 25, il vise à supprimer la possibilité de déposer des périodes de repos compensateur obligatoire sur le CET. Avec la double garantie que constituent le contenu de la convention ou de l'accord collectif et l'initiative du salarié, le dispositif proposé me paraît équilibré. Les remarques que je vais formuler vaudront réponse à M. Jean Boyer.

Le repos compensateur obligatoire n'est pas en soi un dispositif de protection du salarié. Je ne vois pas ce qui interdirait à un salarié de préférer à une période de repos, en quelque sorte forcée, immédiate, une autre forme de compensation par le biais du CET, notamment le temps sabbatique qui peut être souhaité sur une longue période, que ce soit pour la formation ou pour une autre activité.

Lors de la discussion générale, nous avons évoqué la question de la santé des travailleurs. Dans un excellent ouvrage primé voilà quelques semaines, Les désordres du travail, Philippe Askenazy, chercheur au CNRS, analysant les questions de santé au travail, reconnaît la réalité du stress au travail, notion, qui, je le crois, sera reconnue dans quelque temps dans le cadre des négociations interprofessionnelles. Il parle de « productivisme réactif ».

Ses écrits relatent la dégradation des conditions de travail et l'intensification du travail dues à l'augmentation de la productivité et à la réduction autoritaire du temps de travail.

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