L'article 2 de la proposition de loi introduit cette nouvelle notion de « temps choisi », si chère au Gouvernement et à Jean-Pierre Raffarin. Mais que recèle exactement cette sémantique ?
Pour forcer les salariés à travailler plus, le Gouvernement a choisi de jouer sur les heures supplémentaires, s'engouffrant dans la brèche laissée grande ouverte par le précédent ministre du travail. Leur contingent a été porté de 130 heures à 180 heures en 2002. Puis, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a permis de l'accroître au moyen d'accords de branche. De plus, dans le « Contrat France 2005 », le Premier ministre propose de passer à 220 heures, voire d'aller plus loin sous forme d'heures « complémentaires ». Mais, tout cela ne peut en aucun cas doper l'emploi.
La preuve en est que, sur 160 branches, seules 20 d'entre elles ont signé les accords Fillon, et deux seulement vont au-delà du contingent légal.
En outre, le nombre annuel moyen d'heures supplémentaires se situe entre 60 et 80 ; on est donc très en dessous du contingent légal. Il est vrai qu'il s'agit là des heures supplémentaires rémunérées, qui ne représentent environ qu'un quart du total, comme l'indique très officiellement Eurostat.
Si l'on y ajoute le fameux jour férié supprimé, on constate que le détricotage des 35 heures conduit à un retour subreptice aux 40 heures.
Mais cela va encore plus loin, car le Premier ministre propose la mise en place d' « accords pour le temps choisi », par branche ou par entreprise, permettant « d'effectuer des heures supplémentaires choisies, au-delà du contingent conventionnel ». On comprend que Ernest-Antoine Seillière, le patron du MEDEF, ait pu se réjouir du fait que l'on « redonne la liberté au temps de travail » dans la mesure où cette proposition de loi a pour effet de faire voler en éclats la durée légale du travail.
Cette référence au « temps choisi » est d'un détestable cynisme. L'idée que cela permettra de créer des emplois ne tient absolument pas la route : tout allongement de la durée du travail est évidemment un obstacle à l'embauche. En réalité, les patrons font des profits, mais ils n'embauchent pas, car ils sont en train d'éponger les 35 heures en infligeant aux salariés une « double peine », pour reprendre l'expression de Jean-Claude Mailly, en gardant la flexibilité et l'intensification du travail, tout en allongeant le temps de travail pour un salaire bloqué. Les patrons exercent un chantage aux licenciements ou aux délocalisations pour obtenir des salariés qu'ils travaillent plus pour le même salaire, l'un des derniers exemples étant celui de l'entreprise rémoise Chausson Outillage.
Mais, surtout, ce discours fait l'impasse sur une masse de main-d'oeuvre potentielle qui ne demanderait qu'à être employée, à commencer par les chômeurs et les femmes contraintes au temps partiel. Pour ces personnes, on se demande bien où est le « temps choisi » !
Tout au long de la discussion relative à l'article 2, nous combattrons fermement cette violente offensive contre la dégradation des conditions de travail. Il est temps que le Gouvernement cesse de tenir des discours démagogiques, selon lesquels il faut travailler plus pour gagner plus, alors que, dans le même temps, les entreprises engrangent des bénéfices records grâce à des gains de productivité effarants. Il faut engager une réelle politique de l'emploi et le patronat doit redistribuer aux salariés la part qui leur est due ; votre politique doit englober tous les aspects de la condition salariée, monsieur le ministre, à savoir l'emploi, les salaires et les conditions de travail.