A force de dénoncer le coût insupportable des 35 heures pour l'économie française, le Gouvernement a déclenché un mouvement qui semble le dépasser. Fin juin, les salariés de Bosch à Vénissieux ont accepté de travailler 36 heures au lieu de 35, sans compensation salariale, pour éviter une délocalisation en République tchèque. Déjà le groupe Doux avait dénoncé l'accord sur les 35 heures et amputé de 23 jours la RTT alors que SEB allonge également la semaine de travail et que d'autres entreprises déclarent envisager de le faire.
La proposition de loi que nous examinons poursuit pourtant dans cette direction, puisqu'elle autorise le recours massif aux heures supplémentaires sans augmentation de salaire. Or, accroître le temps de travail à salaire constant ne permettra pas de relancer la croissance et l'emploi.
En réalité, pour ceux qui poussent à aller dans ce sens, la manoeuvre est claire : l'augmentation du temps de travail constitue avant tout un moyen de diminuer le coût du travail. Et cela d'une façon, en apparence, beaucoup plus indolore que si l'on procédait à une réduction du salaire à temps de travail constant. Chez Bosch, chaque salarié a vu son contrat de travail modifié et son salaire horaire diminué, cette diminution étant compensée par la réalisation obligatoire d'une heure supplémentaire. Le Gouvernement avait lui-même ouvert cette voie avec la suppression d'un jour férié censée financer le plan dépendance.
« Il faut plus de liberté pour les travailleurs et notamment pour ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus ». Avec ce slogan, vous faites appel à l'égoïsme de ceux qui ont déjà un emploi contre le parti pris de solidarité entre chômeurs et salariés qu'impliquaient les 35 heures.
Le choix de flatter l'égoïsme individualiste peut paraître surprenant quand on prétend réduire « la fracture sociale ». Mais ce n'est pas là le seul problème que pose ce discours : en fait, la « liberté de travailler plus » est très largement un leurre. Travailler un peu, beaucoup ou pas du tout est très rarement un véritable choix des salariés. Ce sont les chefs d'entreprise qui décident d'avoir ou non recours aux heures supplémentaires et ils ont le pouvoir de les imposer aux salariés.
Pour l'instant, ils n'ont guère besoin de plus de libertés en ce domaine : le contingent de 180 heures dont ils disposent depuis fin 2002 et l'annualisation des horaires de travail négociée dans le cadre des 35 heures ont déjà donné beaucoup de flexibilité. Pourquoi alors augmenter ce contingent à 220 heures, si ce n'est pour accroître cette souplesse dont disposent les employeurs mais dont pâtissent les salariés ?
Pour ces raisons, nous demandons que soit rétabli le contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures et que celui-ci soit inscrit expressément dans le code du travail, plutôt que de renvoyer à un décret ou une convention salariale dont on sait qu'elle peut désormais être bien plus défavorable aux salariés que la loi elle-même.